..Dans la soirée du dimanche 16 février se déroule, dans l'enceinte des forges de Pompey, une véritable bataille armée entre des ouvriers chinois et marocains. Cette confrontation est l'aboutissement de réglements de compte ayant débuté en septembre de l'année 1918.

..Les registres de l'État Civil nous apprennent, que le samedi 14 septembre 1918, à une heure du matin, Hamed C. daïd b. Bouazza, Marocain âgé de vingt cinq ans et venant de Casablanca, est décédé aux usines de Pompey.
..Jusque là rien d'anormal, sauf que le mardi 31 décembre 1918, à sept heure trente du soir, c'est un travailleur de la compagnie chinoise 52, Tong-Yao, âgé de 20 ans et venant de Canton qui décéde rue de Metz.

..Nous voici au crépuscule du dimanche 16 février, découvrons la narration de cet événement faite par le quotidien L'Est Républicain dans son numéro du mardi 17 février 1919 :

UN CONFLIT DE RACES A POMPEY

Sanglante bataille entre Marocains et Chinois

On compte sept morts et de nombreux blessés

..Dans la soirée de dimanche, une véritable bataille rangée a eu lieu à Pompey entre des travailleurs chinois et marocains, occupés aux usines.
..Vers 5 heures et demie du soir, deux Chinois se dirigeaient vers les baraquements où sont logés les Marocains, à proximité du moulin à scories. Les Asiatiques faisaient la rencontre de deux Africains près du pont qui franchit le canal et leur offraient en vente divers objets.
..Que se passa-t-il à ce moment ? La lumière sera difficile à établir sur ce point.
..Toujours est-il qu'une discussion s'éleva entre les quatre hommes. Les Chinois, qui étaient armés de browning, en tirèrent plusieurs coups sur les deux Marocains, dont l'un d'eux fut tué net.
..L'autre, blessé grièvement, s'en alla vers son campement où il rencontra de ses compatriotes qu'il mit au courant de l'affaire et il expira peu après.
..C'est alors que les Marocains se rendirent à leur tour près du campement chinois et rencontrant les deux meurtriers, ils en tuèrent un à coups de masse ; l'autre, pris de peur, voulut s'enfuir, mais il tomba dans le canal où il se noya.
..Les travailleurs africains de retour à leur campement firent le récit de ce qui s'était passé. Leurs camarades, au nombre de plus de trois cents, s'armant de pelles, de pioches, de barres de fer, etc., quittèrent les baraquements à 21 h. 30.
..La bande ainsi formée arriva devant le campement des Jaunes et une terrible bataille s'engagea. Les Chinois ripostèrent à coup de revolver et de carabine. Ce fut, dans la nuit, pendant près d'une heure, une fusillade crépitante qui fit plus de bruit que de mal, car il n'y eut que quelques hommes blessés légèrement.
..Les munitions s'épuisant, la bataille se termina d'elle-même et les combattants rentrèrent chacun dans leur camp.
..La nuit s'acheva sans autre incident. Mais la lutte devait reprendre lundi, au petit jour.
..A 5 heures, quarante trois Chinois armés de revolvers se dirigèrent vers les baraquements des Marocains.
..Leur présence ayant été signalée, les « Sidis » sortirent d'un élan unanime et chargeant avec leurs outils de travail, malgré les balles, ils tuèrent trois Asiatiques.
..L'effervescence était des plus grandes et on avait peine à calmer les Marocains qui toutefois finirent par rentrer dans leurs baraques.
..L'affaire semblait terminée, mais à sept heures et quart, deux Chinois ayant été aperçus par des Marocains furent à nouveau assaillis et tués à coup de bâton.
..Comme la force armée était présente, on put refouler les combattants qui furent gardés à vue pendant toute la journée.
..La gendarmerie à ouvert une enquête. Naturellement il est difficile d'obtenir le moindre renseignement, aussi bien des Marocains que des Chinois, tous faisant la même réponse qu'ils ne savent pas ce qui s'est passé ou qu'ils n'ont rien vu.
..Cette tragique affaire a causé une profonde et légitime émotion parmi la population ouvrière de Pompey et de Frouard.

..Les deux marocains décédés le dimanche sont : Mohamed b. Abdallah Hamoux, agé de 26 ans,originaire de Glaoua et Abdallah b. Mohamed b. Hamoud, agé de 36 ans et né à Zinagua.
..Dans les combats du lundi à 5 heures, ce sont cinq chinois qui sont tués, il s'agit de :

Schu Hoé Tcheng, 28 ans, de Pen Pou Tchen (province de Hiang Sou)
Mong Tcho Lin, 32 ans, de Tsao Pa K (province de Hiang Sou)
Hao Ming Tcheng, 27 ans, de Pé Hoei (province de Ngan Hoei)
Yu Fong Ming, 28 ans, de Tong Chan (province de Hiang Sou)
Wang Hoei Cheng, 27 ans, de Pémen Wai (province de Ngan Hoein)

..uCe même jour, un chinois est retrouvé mort à trois heures de l'après-midi sur le chemin de Custines, il s'agit de Pan Tchou Lin, 28 ans, de Tsi Haou (province de Tchee Lin).
..Le lendemain, le mardi 18 mars, Yang Hai Tien, âgé de 28 ans, de Tching Ho (province de Hiang Sou) est découvert mort lui aussi sur le chemin de Custine à 8 heures du matin.
..Tous ces chinois étaient travailleurs de la compagnie chinoise 52.

 

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