1870, la France perd la guerre contre la Prusse. L'Alsace, une partie de la Moselle et de la Meurthe deviennent territoire Prussien. Avec le reste de ces deux départements naîtra la Meurthe-et-Moselle. La nouvelle frontière se trouve à quelques kilomètres de Nancy. Trop compliquée à défendre et certainement trop coûteux, le renforcement de la défense face à l'ennemie aux portes de la nouvelle capitale lorraine se fait sur la place forte de Toul. Afin d'en interdire l'accès par les bois du plateau de Haye, différents forts, constituant une portion de la ligne Séré de Rivière, sont construits dont celui de Frouard.

 

Carte de la région de la batterie de l'Éperon

Extrait de la carte du Chemin de fer de NANCY à METZ
( Bibliothèque Municipale Stanislas de Nancy - Cote 82622 )

 

Placé sur un éperon rocheux, ce fort domine la vallée de la Moselle, de la Meurthe et de l'Amezule. Un appel d'offre est lancé pour la construction et sera remporté par une entreprise ... allemande. La presse s'en inquiéte, et suite à une campagne virulente les travaux seront confiés à une entreprise française. La batterie de l'Éperon, élément de ce fort, construite de 1879 à 1883, doit protéger également les trois voies de communication qui se trouvent à ses pieds. Ce sont la ligne ferrée Paris à Strasbourg, le canal de la Marne au Rhin et la route nationale Metz-Nancy.

 

La batterie de l'Éperon vue du ciel

source image : www.tourisme-lorraine.fr

 

L'armement de cette fortification est composé de :
................4 canons de "12" culasse
................8 canons de 95 mm
................2 canons de 155 L sous casemates cuirassées "Mougin"
................2 canons de 155 L sous tourelle à éclipse modèle 1890.

 

Cet ouvrage est en cours de restauration par l' A.S.P.F.F.A (Association de Sauvegarde du Patrimoine Fortifié de Frouard) qui est présidée par Alain Mariotte.

La tourelle à éclipse Galopin est la seule encore existante et en état de fonctionner.

les deux bouches des canons de 155 L

Non ce n'est pas un crabe mais "simplement" les deux bouches des canons de 155 L
de la tourelle Galopin.

source image : www.associations-frouard.com

 

En voici le principe de fonctionnement expliqué par l'Association Sauvegarde du Patrimoine Fortifié de Frouard :

« Vers 1888, le commandant Galopin réussit à mettre au point un type de tourelle à éclipse vraiment moderne et viable. Auparavant, les tourelles contenant les armes et le personnel ne pouvaient pivoter qu’autour d’un axe central et émergeaient de façon constante à une hauteur permettant le tir. La protection s’obtenait en tournant la partie cuirassée du côté des feux ennemis. Leur construction n’assurant qu’une protection relative, elles furent remplacées par des tourelles à éclipse. Le premier prototype réalisé par Schneider sera présenté en juin 1890. Il semble qu’il ait donné entière satisfaction à la Commission mixte de l’Artillerie et du Génie, puisqu’une première tourelle sera commandée en août 1891 et expérimentée un an plus tard.

Quatre autres tourelles seront commandées par la suite.

Elles seront installées dans les ouvrages suivants: Deux au fort de Manonvillers, une à la batterie de l’Éperon à Frouard, une au fort de Pont Saint Vincent, une au fort d’Arches. Les deux tourelles de Manonvillers ainsi que les deux tourelles “Mougin” furent très endommagées lors des combats de fin août 1914 par les obusiers allemands de 305 et 420 mm. Elles ont été ferraillées par la suite.
Les tourelles de Pont Saint Vincent et d’Arches ont été ferraillées par l’organisation Todt en 1942.

La tourelle, d’un poids total de 250 tonnes, est composée d’une muraille en acier mi-dur de 450 mm d’épaisseur et de 5,55 m de diamètre, réalisée en quatre segments égaux assemblés par une feuillure, dont l’un comporte les embrasures des pièces.
Cette muraille est surmontée d’une calotte sphérique en fer laminé de 380 mm d’épaisseur, engagée dans une feuillure de la muraille et vissée sur celle-ci.
La calotte est doublée par une tôle d’acier doux de 15 mm pour éviter la projection de ménisques de métal sous le choc de projectiles (2).

La tourelle est installée dans une vaste substruction en béton comprenant une avant cuirasse et trois étages en sous-sol ainsi que la galerie d’accès.

L’avant cuirasse, en acier moulé d’une épaisseur de 40 cm, est noyée dans un massif de béton. Elle comporte une galerie, accessible par une échelle dans un puits vertical, permettant de faire des réparations.

Sous la muraille, la tourelle est constituée d’un cylindre en tôle épaisse fixé sur le plancher de la chambre de tir.

Plan de la tourelle Galopin de 155 L

@ Plan de Gilbert KLUCZYK et A.S.P.F.F.

........................1. Chambre de tir
........................2. Voussoirs
........................3. Pivot
........................4. treuil moteur
........................5. Système de pointage lent
.........................6. Contrepoids moteur
........................7. Contrepoids

Ce plancher est relié au pivot central (3) par des consoles rayonnantes reposant sur la sellette par l’intermédiaire de galets coniques et d’un lissoir.

La chambre de tir (1) contient les deux pièces de 155 Long De Bange, montées sur des affûts berceaux, avec cylindres de freinage et récupérateur .

 

La chambre de tir et les deux canons de 115 Long de Bange

Chambre de tir et les 2 canons de 155 Long de Bange
photographie @ A.S.P.F.F.

Pour le pointage en hauteur, les berceaux coulissent dans les rainures circulaires des flasques supports.

Un système de ressort à rondelles Belleville récupère l’énergie du recul, remet les pièces en batterie et déclenche l’éclipse de la tourelle.

Les pièces peuvent tirer de - 2°30 à + 22°, le réglage s’effectue, depuis le niveau intermédiaire par une manivelle actionnant une vis reliée à l’affût.

Les pièces et les affûts sont équilibrés par des contrepoids situés dans le pivot central (7).

Les extrémités des tubes passent dans les embrasures par l’intermédiaire d’un obturateur sphérique en bronze assurant l’étanchéité aux gaz des tirs.

Un levier de commande permet de déclencher manuellement l’éclipse de la tourelle en cas d’incident.

Dans la chambre de tir on trouve également un entonnoir à douilles et un système d’aspiration des gaz relié au ventilateur, ainsi que la réception de la chaîne à godets servant à monter les munitions.

La chambre de tir est guidée par une couronne en bronze, fixée sur la substructure en béton.

Une circulaire graduée, en bronze, à la base de la chambre de tir, permet le pointage en direction et la mise à feu électrique des deux pièces simultanément.

La rotation de la tourelle, est assurée par une couronne dentée entourant la chambre de tir et un long pignon fixé dans une alvéole de la paroi, entraîné par un axe vertical commandé depuis l’étage inférieur.

À l’étage intermédiaire, se trouve un second guidage pour le pivot central, lequel contient les verrous de batterie.

À ce niveau se trouve également le mécanisme de pointage fin, ainsi que le levier de lancement et la réception du monte charge intermédiaire.

À l’étage inférieur sont situés le système de ventilation et le monte charge primaire permettant de monter les munitions à l’étage intermédiaire, tous ces équipements fonctionnant manuellement.

On trouve également à ce niveau le mécanisme d’équilibrage et le treuil de relevage du cadre des leviers de contrepoids moteur (6) et de déclenchement. Ces éléments sont situés dans un sous-sol contenant les butées de cliquets des balanciers de déclenchement et moteur ainsi que les verrous d’éclipse et le guidage de la tige pendante.

 

monte charge primaire

Le monte charge primaire
photographie @ A.S.P.F.F.

Les leviers des contrepoids d’équilibrage s’appuient sur des rotules cylindriques par l’intermédiaire de semelles plates, et sont guidés par des galets roulant sur des appuis latéraux, le tout reposant sur de fortes poutres.

Les contrepoids d’équilibrage sont munis d’un système permettant de régler précisément l’équilibrage de la tourelle.

Sous la tourelle, la tige pendante assure la transmission du mouvement du levier moteur et la retenue en position d’éclipse, par un épaulement sur lequel s’accrochent les verrous d’éclipse.

La tige pendante est reliée à la sellette par un écrou, entraîné par une couronne dentée et une vis sans fin, permettant un réglage en hauteur précis des positions haute et basse de la tourelle.

Le cadre de relevage et la crémaillère sont équilibrés par un secteur denté muni d’un contrepoids réglable.

 

tige pendante et balanciers

Tige pendante et balanciers.
photographie @ A.S.P.F.F.

Le balancier du levier de déclenchement est relié par des biellettes au manchon à coins coulissant sur la tige pendante. Le balancier du levier moteur est relié par le même système à la traverse inférieure.

Les balanciers sont reliés au levier moteur et de déclenchement par des cliquets, ils sont destinés à libérer la tourelle des leviers quand elle est en batterie.

Les substructions de la tourelle sont vastes et abritent les magasins de munitions : obus, gargousses, étoupilles, outillage et les tubes de rechange des pièces. Le service de la tourelle nécessite l’effectif de seize hommes et d’un sous-officier. Les projectiles disponibles sont : des obus en fonte, des obus à balles et des boites à mitraille. Les obus pèsent environ 40 kg.

La masse de ces tourelles, 250 tonnes, était très importante, et le prix de revient de 850 000 francs or.»

La capacité de tir des canons est de 3 obus à la minute et la portée maxi de 7500 mètres.

 

Et Pompey dans tous ces mécanismes plus imposants les uns que les autres ? Eh bien voilà une explication de poids : nos intéressés se trouvent dans le troisième sous-sol de cette tourelle.

 

Le troisième étage de la tourelle Galopin

au troisième étage, le treuil moteur (4) et les balanciers des contrepoids (7)
photographie : Jean-Luc GOURET - 2017 -

 

Repérés n° 7 sur le plan de Gilbert KLUCZYK, voici les deux contrepoids

Un des deux contrepoids de la tourelle Galopin

photographie : Jean-Luc GOURET - 2017 -

 

les contrepoids

photographie @ A.S.P.F.F.

 

Chaque élément est repéré par une lettre et chacun a un poids variant de 5000 à 5200 kg. Par ailleurs sur le champ supérieur de chaque poids et écrit en relief dans la masse :

FOULD DUPONT
POMPEY

 

Ces informations ne peuvent être reprises et utilisées que sur autorisation de leurs auteurs

 

Je remercie vivement l'A.S.P.F.F. pour la mise à disponibilité de ses documents, et je ne peux que vous encourager à visiter ce lieu historique, restauré activement par une équipe passionnée et qui réalise un travail formidable.

La batterie est ouverte au public le 3ème dimanche d'avril à octobre
......visités guidées à 15 et 16 h.
......tarif : 5€
...............8 € pour un couple
...............gratuit pour les enfants de moins de 12 ans

 

Blason de Pompey permettant le retour à la page d'accueil