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À Berlin il rencontre Orville Wright, celui-ci, avec son frère, tous deux pionniers américains de l'aviation, sont ingénieurs, concepteurs, constructeurs et pilotes. Enthousiasmé par cette entrevue, il donne sa démission d'officier de marine et d'aide de camp pour se vouer uniquement à la locomotion aérienne. En 1909 il fait ses débuts avec Orville Wright. Breveté sous le numéro 3 le 15 mars 1910, il devient le premier pilote de la société allemande Wright. Il participe à presque tous les meetings aériens qui ont lieu en Allemagne. Le 30 septembre 1910, prenant part au meeting de Trèves-Metz, trompé par le brouillard, il passe Metz à 500 mètres d'altitude, franchit la frontière à Noviant-Pagny-sur-Moselle, survole Pont-à-Mousson et descend sur les forges de Pompey. Il atterrit dans une prairie devant Clévant, sur le territoire de Frouard. La situation entre la France et l'Allemagne étant très tendue, des suspicions d'espionnage sont de suite évoquées. Revivons ces heures par les récits des journaux de l'époque. |
Presse allemande |
Presse française |
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..Le temps qui, le matin, menaçait de tourner à la pluie, s’était décidément remis au beau pour l’après-midi ; mais un vent assez fort soufflait qui faisait craindre pour le succès de la journée.
..Aussi l’affluence au champ d’aviation ne fut pas très forte jusque vers 5 heures où l’on apprit que Thelen voulait partir et qu’Engelhard avait quitté Trêves. ..De long en large, la foule se promène, et déjà l’impatience commence à se manifester, quand on voit Thelen discourir avec des officiers et ensuite se diriger vers son hangar, dont la toile s’ouvre. ..Bientôt l’appareil est sorti et amené par des soldats sur la place d’où il s’élance avec une sûreté remarquable, exactement à 4 h. 47 et file vers le Nord à une hauteur d’environ 150 mètres. On peut le suivre à l’œil nu pendant dix minutes, puis on le voit tourner et descendre. C’est la panne, après douze minutes de vol. Un défaut du moteur force l'aviateur à descendre et il atterrit dans les prés entre Hauconcourt et Maizières-lès-Metz. ..On communique la nouvelle au public désappointé en baissant le pavillon. Un peu après, le téléphone annonce que Thelen, en atterrissant, aurait enlevé les cornes à une vache, mais ceci demande à être confirmé. C’est une rupture du conduit de benzine qui a provoqué la panne. Une escouade de militaires a été envoyée pour garder l’appareil cette nuit en attendant que Thelen reçoive les pièces nécessaires de rechange pour rentrer à Metz, car il ne pourra plus guère entreprendre le vol de Trêves demain. ..Mais entre-temps la sonnerie du téléphone retentit et annonce une nouvelle accueillie par les bravos répétés des spectateurs. Le numéro 1, Engelhard, a quitté Trêves à 4 heures 59 pour Metz. Anxieusement on suit le tableau du start qui indique les différentes localités où il passe. ..C’est Igel, à 5 h. 08, à 100 mètres de hauteur ; Wellen, à 5 h. 12 ; Palzem, à 5 h. 24 ; Sierck, à 5 h. 38 ; Kœnigsmacker, à 5 h. 40, très haut ; Thionville, 5 h. 45 ; Uckange, 5 h. 50 minutes. ..A chaque déclenchement, le public applaudit plus fort. A 6 h. 02, on aperçoit au Nord un petit point noir qui avance et grossit rapidement. C’est Engelhard qnii arrive à toute vitesse. ..A 6 h. 12, il passe au-dessus du champ d’aviation, ayant mis donc 70 minutes pour parcourir les 105 kilomètres qui nous séparent de Trêves. Au passage, la foule le salue de cris répétés, mais l’aviateur passe à toute vitesse et se dirige vers Metz. On croit qu’il veut doubler la Cathédrale puis qu’il reviendra, mais l’appareil diminue à vue d’œil, et dix minutes ne sont pas écoulées qu’on ne voit plus rien. Engelhard nous a brûlé la politesse. Mais on ne désespère pas de le voir revenir bientôt et atterrir. ..Entre-temps, Jeannin était arrivé et son appareil sorti du hangar. Les mécaniciens remontent les parties démontées et à 6 h. 20, Jeannin fait une envolée superbe pour essayer son appareil. Bientôt il descend et remonte ensuite à 6 h. 25, avec un passager, le lieutenant Braun, du 9e dragons. Deux fois il fait le tour et descend après exactement 5 minutes, d’un vol magnifique, d’une stabilité remarquable. Son passager, le lieutenant, reconnaissait avec éloge qu’on a un sentiment absolu de sécurité, mais, ajoutait-il, seulement parce que M. Jeannin dirige. La foule crie: « Vive Jeannin ! ». ..A 6 h. 35, nouveau vol de 3 minutes avec un second passager, le docteur Schlesinger. ..Le temps passe ; Jeannin ne veut plus entreprendre de nouveau vols à cause de la nuit tombante, et Engelhard ne revient pas. ..Enfin, à 6 h. 40, on téléphone qu’il a passé la frontière. 5 minutes après, il est à Pont-à-Mousson. ..— Où est donc la « Strassburger Post » ? demande quelqu’un. Va-t-elle demander encore qu’on « le descende, lui et sa machine ? » ..On ne sait comment expliquer cela. D’aucuns disent qu’il est arrivé avec une telle vitesse qu’il n’aura pas cru être à Metz et manqué ainsi le but ; ce qui est le plus probable. D’autres disent même qu’il n’était peut-être plus maître de son appareil. ..Enfin, on sera fixé là-dessus demain. ..A 7 h., à la nuit, pas encore de nouvelles. ..La quatrième journée du concours d’aviation est terminée. Espérons que demain, arriveront les autres concurrents qui manquent encore à l'appel. (Le Messin du samedi et dimanche 1er et 2 octobre 1910.)
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.Ils n’ont pas tiré dessus ! — L’aviateur Engelhard, par suite d’une méprise inexplicable de la part d’un capitaine de corvette, a passé au-dessus de Metz sans le voir et a filé vers Nancy, croyant, paraît-il y trouver Metz !
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Nancy. — M. Achille Liégeois, de L'«Est républicain», a interviewé le capitaine Engelkardt, qui lui a fait les déclarations suivantes: A la ferme de Clévant ..Cinq heures du matin. ..Le Grand Pré est admirablement situé, l’herbe est rase, le sol est peu raboteux. L’aviateur essaie son moteur ..A 8 heures et demie, le capitaine Engelhard arrive. Il consulte une carte, tout en marchant. M. de Bucy, président de l’A.C.L., M. le lieutenant d’Huart, du 5e hussards, un industriel de St-Max, M. Jules Lévy, l’accompagnent, ainsi que M. Gustave Closse :
..— Je suis content, déclare l’ancien capitaine de corvette, qui, suivi d’un long cortège de curieux, revient sur la route, monte en auto et roule vers Nancy, où son couvert est mis à la brasserie Viennoise. Le capitaine Engelhard s’est rendu à Metz ..A dix heures du matin, le capitaine Engelhard, ayant pris place sur la Pic-Pic de M. Jules Lévy, s’est rendu à Metz, afin de s'entretenir quelques instants avec le comité d’aviation. ...................Avant le départ ............Bouxières, 4 heures 10 soir
Le capitaine aviateur allemand n’a pu quitter Nancy en aéroplane ..Le capitaine allemand qui, ainsi que nous l’avons dit, avait atterri à Pompey, a tenté, dans l’après-midi d’hier, de quitter ce point par la voie des airs. Mais après quelques essais infructueux, l’appareil a été remisé et il est parti aujourd'hui avec l'aviateur par la voie ferrée.
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..Un aéroplane — un biplan — monté par un officier de la marine allemande, qui prend part au circuit Trêves-Metz, a atterri, vendredi soir, près de la ferme de Clévant, non loin de Custines. Cette nouvelle, connue à Nancy dans la soirée, a produit une certaine émotion.
Différence de traitements ..Quand, avec sa tranquille insouciance, l'aviateur français Legagneux passa la frontière le 11 août dernier, hasarda une promenade jusqu'à Château-Salins, ce fut pour la Strassburger Post un prétexte à rodomontades:
..— Si les aéroplanes français osaient s’aventurer aux abords de nos citadelles, s’écriait l’organe pangermaniste, nos sentinelles tireraient dessus... » ..En réponse à ces provocations, à ces menaces, un brave fermier de Lorraine a, hier, offert l’hospitalité à un ex-officier de marine allemand, le capitaine Engelhard. ..Nous avons pu rejoindre l'aviateur allemand. Il était encore sous le coup d’une vive émotion ; il exprimait à la fois ses inquiétudes personnelles et la crainte que l’incident soulevât des complications, des difficultés : ..— J’ai quitté Berlin, disait-il, pour prendre part au circuit Trêves-Metz... Ma femme est sans nouvelles de moi... Comment l’avertir ? ... Et puis, ma présence a de quoi alarmer les autorités françaises qui pourraient voir en moi un vulgaire espion... Ne va-t-on pas me mettre en état d’arrestation ?... » ..Le capitaine fut vite rassuré. Il apprit que le comité d’aviation était avisé de l’affaire, que sa famille en était également instruite, qu’enfin la gendarmerie de Frouard n’avait pas l’air de trouver extraordinaire ni suspecte son excursion imprévue. ..Mieux encore. ..Le biplan du capitaine Engelhard fut signalé, vers 6 heures du soir, à Pont-à-Mousson. On crut que l’appareil était piloté par Jeannin. ..Des ovations, des applaudissements éclatèrent — et, quoique en réalité, ces manifestations sympathiques se soient trompées d’adresse, la presse allemande jugera qu’il y a tout de même un écart entre le sort qu’elle promet à nos aviateurs et l’accueil que nous réservons aux siens. ..Cette différence de traitement appellera sans doute de nombreux commentaires. ..Voici comment nous fûmes, hier soir, mis au courant de L’aventure : De Metz on demande des nouvelles ..A 6 heures trois quarts, la sonnerie du téléphone retentit : A la recherche de l’aviateur ..Sur quel point, exactement, l’aéroplane étranger avait-il atterri ? On manquait de renseignements. Ou, plutôt, les « tuyaux » étaient contradictoires : les uns parlaient de Bouxières, les autres de Pompey. Mieux valait aller sur place...
..Nous eûmes recours à M. Gustave Gosse, dont les Pic-Pic ont déjà rendu tant de services à nos reporters. En moins d’une demi-heure, nous arrivions aux forges de Pompey. ..M. Cattin, ancien brigadier des douanes, actuellement garde de nuit aux usines Fould, nous informe alors : ..— A six heures, un aéroplane est arrivé Ici. Il volait à une hauteur de 300 mètres. Il s’est dirigé sur Frouard. Une foule énorme, dans les rues, sur le pont, suivait ses évolutions... Après avoir décrit une courbe vers Bouxières, il est remonté jusqu’au confluent de la Meurthe et de la Moselle... mais j’ignore s’il a atterri quelque part... » ..A Frouard, un bicycliste déclare : — J’ai pu voir l’appareil ; il est dans une prairie, non loin de la ferme de Clévant. C’est un biplan. Il n’a pas l’air d’être abîmé... » ..Cette indication suffit. En cours de route, trois ingénieurs des forges demandent à prendre place dans l’auto. Ils s’offrent pour guider nos investigations, car la nuit est profonde et il semble impossible de découvrir en pleines ténèbres l’aéroplane échoué sans doute en quelque prairie. ..A huit heures et demie, nous atteignons la ferme de Clévant. Le fermier, M. P. Esch, nous reçoit. Dès qu’il connaît le but de notre visite : ..— Le capitaine Engelhard est chez nous, en effet, dit-il... Brisé de fatigue et d’émotion, il allait prendre un peu de repos. Nous avons mis à sa disposition une chambre ; il y passera la nuit... Demain, au point du jour, il se propose de retourner à Metz... ..Tout en parlant ainsi, M. Esch nous conduit dans la vaste pièce qui sert en même temps de laiterie et de salle à manger. ..Un homme est attablé. C’est un solide gaillard d’environ trente-cinq ans, le visage entièrement rasé. De grands yeux bleus éclairent une physionomie intelligente et hardie ; les cheveux sont coupés ras. ..La présentation a lieu. Elle se heurte d’abord à une sérieuse difficulté. L’aviateur ne prononce qu’à peine quelques phrases en français et, par un comble de malchance, nous ignorons totalement la langue de Goethe. ..M. Esch vient à notre secours : ..— Je vous servirai d’interprète. » interview du capitaine Engelhard ..L’aviateur allemand n’éprouve aucun embarras à répondre. Il satisfait notre curiosité. Nous apprenons qu’il vient de Berlin où il a laissé seule sa femme. P.S. — Au moment de mettre sous presse, nous apprenons, qu’un peloton du 5e hussards aurait été envoyé d'urgence à Clévant. Il est malheureusement trop tard pour pouvoir contrôler ce bruit, mais la nouvelle semble naturelle et il semble plus encore naturel qu’on oblige l’aviateur allemand à repartir par la voie ferrée, étant donnée la proximité des ouvrages stratégiques de la frontière.
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EPILOGUE D’UN RAID INATTENDU A la ferme de Clévant ..Samedi, cinq heures du matin. L’aviateur essaie son moteur ..A huit heures et demie, le capitaine Engelhard arrive. II consulte une carte, tout en marchant. M. de Buey, président de l’A.C.L., M. Le lieutenant d’Huart, du 5° hussards, un négociant de notre région, M. Lamy. ..Après avoir longuement étudié l'itinéraire, noté la hauteur de Mousson, le promontoire de Vandières, il considère les champs où l’a conduit un heureux hasard. |
(L'EST RÉPUBLICAIN du dimanche 2 octobre 1910.)
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Le 29 septembre 1911, il s'écrase lors d'un vol d'entraînement avec un avion à deux étages.
Le «..sixième jour de la semaine d'aviation nationale à Johannisthal fut un jour de malheur pour l'aviation allemande. L'un de nos meilleurs pilotes, le capitaine de vaisseau Engelhard, fit une chute si malheureuse que, transporté griévement blessé à l'ambulance, il y expira peu après.»(3)
« Bien que le temps fût peu favorable et que la pluie menaçât, plusieur aviateurs s'était élevés dans les airs, entre autres, le captaine Engelhard, qui emmenait sur son biplan Wright, un passager, M. Sedelmayer. »(4)
« Il avait pris le départ à 3 h. 21m. et volait très bas, mais, pour éviter la violence des remous, il prit un peu de hauteur. A 4 h. 26 m., on vit l'appareil tanguer fortement ; une hélice venait de se détacher. L'appareil capota et vint s'abîmer sur le sol, ensevelissant sous ses débris les deux passagers.»(5)
« On se porta aussitôt au secours des malheureux aviateurs. Tous deux gisaient, couverts de sang, au milieu des débris du biplan.
..Engelhard, la poitrine écrasée par le moteur, fut transporté à l'ambulance, où il expira au bout de quelques instants sans avoir repris connaissance.
..M. Seldelmayer est dans un état désespéré.»(6)
D'autres récits disent que M. Sedelmayer était légèrement blessé.
Engelhard était âgé de quarante-trois ans.
Il est enterré au Riensberger Friedhof à Brême.
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Sources :
(1) wikipedia
(2) Le Messin du lundi 21 février 1910.
(3) National Zeitung du 29 septembre 1911
(4) Le Messin du 2 octobre 1911
(5) Les martyrs de l'aviation, Roger Dépagniat, E. Basset et Cie, Paris 1912, page 312.
(6) Le Messin du 2 octobre 1911