Dessin et texte de Charles ANCÉ.
Quand j'étais môme, c'était les années 50, ça fait un sérieux bail. En donnant un coup dans le rétroviseur je revois plein de choses qui ont disparu; tiens par exemple: les processions, on n'en voit plus aujourd'hui, mais à l'époque il y en avait plusieurs fois par an, pour la fête-Dieu, pour la fête patronale, pour la sainte Barbe (avec les pompiers), il y avait même une procession pour aller bénir les champs et les jardins, les rogations ça s'appelait.
J'étais enfant de choeur à cette époque, seuls les garçons avaient le droit d'exercer cette fonction prestigieuse. Je me souviens que les jours de procession on ne mettait pas les soutanes rouges avec des surplis, mais des aubes avec un cordon de couleur différente suivant la fête.
On traversait le pays sans se soucier de couper la circulation , y'en avait pas. Le père Barthélémy, le suisse, ouvrait le cortège crânement avec sa hallebarde sur l'épaule, en ponctuant chaque pas avec sa canne à pommeau, en plus il avait une épée ça rigolait pas.
Enfin si quand même, ça faisait rigoler les mécréants attablés à la terrasse des bistrots qu'il y avait le long du parcours de la procession, rigoleurs qui perturbaient en outre la solennité des chants liturgiques par des imitations assez réussies de croassements. Évidemment pour garder la dignité de l'affaire et couvrir ces outrages sonores, les processionnaires chantaient plus fort en appuyant bien sur les OUSSE et les EMME des finales latines, eh oui puisqu'on chantait en latin.
Les autres , morts de rire, gueulaient plus fort leurs conneries auxquelles ils rajoutaient des OUSSE et des EMME, et élargissaient la gamme des imitations à d'autres espèces, et ne manquaient pas de saluer le passage du curé par une formule de leur cru: AMEN...ta paye avec la mienne ça fera une bonne quinzaine. AMEN