Le quotidien dans la presse de 1870
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mercredi 5 janvier 1870 :
..- Il vient d'être tué six loups dans une battue faite dans les forêts de Mailly, canton de Nomeny.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du samedi 8 janvier 1870 :
..- Vendredi 31 décembre, le nommé Elie Roger, cultivateur à Haudainville (Meuse), regagnait son domicile vers neuf heures et demie du soir, après avoir passé la soirée chez son beau-frère, M. Raux, aîné ; il était accompagné de sa fille âgée de 16 ans, lorsqu'à 50 mètres environ de sa maison d'habitation, située au milieu du village, sur la route de Saint-Mihiel à Verdun, il se sent saisi par un loup qui lui fait une première blessure au bas des reins. Le sieur Roger se retourne, pensant avoir affaire à un chien, et repousse l'animal d'un coup de pied ; mais le loup se redresse sur ses pattes de derrière et s'élance de nouveau d'un seul bond contre sa victime et lui fait une nouvelle blessure au bas-ventre. Le sieur Roger, doué heureusement d'une certaine force, saisit l'animal à bras-le-corps et le rejette à quelque pas de lui.
..Le loup en voyant cette résistance, abandonne sa première attaque et s'élance contre la jeune fille qui, effrayée, se sauvait affolée en criant au secours ; heureusement pour l'enfant ses jupons la préservent des dents de l'animal qui ne peut saisir que l'étoffe et qui n'a pas le temps de renouveler son attaque parce que le père s'élance au secours de sa fille, saisit l'animal par le cou derrière la tête avec la main droite et à la gorge avec la main gauche, et parvient, après une lutte acharnée d'une vingtaine de minutes, à terrasser la bête fauve en appelant à l'aide.
..On connaît la force dont sont doués les loups ; que l'on se figure un homme luttant seul pendant quelques minutes contre une de ses bêtes sauvages sans pouvoir parvenir à la terrasser, et l'on comprendra toute la force qu'il faut déployer pour ne pas être renversé par les bonds successifs de ces animaux. Dans cette dernière lutte, le sieur Roger a reçu une troisième blessure au poignet ; mais il est parvenu à faire fléchir le loup sur les pattes de devant sans cependant pouvoir vaincre la fixité de son train de derrière. C'est alors que le sieur Raux, attiré par les cris de son beau-frère et de la jeune fille, est arrivé avec un fusil de chasse, et après bien bien des hésitations, cherchant une place pour frapper dans la crainte de blesser son frère, a pu tirer l'animal au poitrail. La balle, en traversant la gorge, a fait tomber la bête foudroyée. Ce loup était âgé de 8 ans.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du dimanche 23 janvier 1870 :
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du samedi 12 février 1870 :
..- La neige a cessé de tomber, mais le froid augmente. Dans la nuit de jeudi à vendredi le thermomètre placé dans une cour, et par conséquent abrité du vent, est descendu à 10 degrés. Nous sommes bien convaincus que dans la campagne il aura atteint 12 et plus.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mardi 1er mars 1870 :
..- Les loups sont tellement nombreux dans le canton de Colombey que M. X. Rose, fils, de Grimonvillers a pris dans ces derniers temps de neige, au moyen de pièges, onze loups et onze renards. Il y a eu sept loups présentés par lui à la préfecture de la Meurthe.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mercredi 16 mars 1870 :
..- Considérant qu'il y a lieu d'espérer qu'à partir du 1er avril prochain, la Moselle pourra être livrée à la navigation de frouard à Pont-à-Mousson, avec un tirant d'eau de 1m60, égal à celui du canal de la Marne au Rhin.
..Qu'il est nécessaire pour arriver à ce résultat, que les barrages mobiles établis à Custines, Marbache et Dieulouard, puissent être dès à présent manoeuvrés suivant les besoins du service de la navigation;
..Que, dans ce but, il paraît indispensable de prendre d'ores et déjà les mesures nécessaires pour assurer le passage par les dérivations, des bateaux, trains et radeaux, en cas de fermeture des barrages,
..M. le préfet de la Meurthe vient de prendre l'arrêté suivant :
..<< A partir du 1er mars, les bateaux, trains et radeaux circulant sur la Moselle devront suivre les dérivations de Custines, de Millery et de Scarponne, toute les fois que les barrages correspondants seront levés.
..>> Un drapeau rouge flottera sur les musoirs de ces dérivations, pendant tout le temps que les barrages seront abaissés, et pourront livrer passage à la navigation.
..>> En l'absence de ce drapeau, les bateaux train et radeaux devront s'engager dans les dérivations.>>
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du jeudi 7 avril 1870 :
..- Avant-hier soir, vers 8 h. 1/2, on apercevait dans le ciel une teinte rougeâtre qui semblait produite par un incendie vers champigneules. Plusieurs personnes sont sorties de la ville pour s'assurer du fait. Elles ont pu reconnaître alors une aurore très variable d'intensité d'une minute à l'autre et rayonnant d'un point situé immédiatement au-dessus et à l'ouest de Cassiopée.
..Le dernier bulletin de l'Observatoire signalait déjà le même phénomène : il n'y aurait donc rien d'étonnant si on le voyait se reproduire encore ces jours-ci.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du dimanche 8 mai 1870 :
..- On nous dit qu'à Pompey c'est le maire lui-même qui a collé sur les murs un papier contenant des détails sur les bombes meurtières et le dessin de ces bombes, le tout emprunté au Figaro, ce qui est assez flatteur pour les administrants et les administrés. Il est évident que le maire de pompey voudrait bien effacer, par un coup d'éclat, les élections dernières où le candidat officiel obtint, jour ou non, 23 voix, pendant que le candidat libéral en avait 93. Dans tous les cas un maire qui se fait colleur n'a pas à craindre qu'on lui adresse, en haut lieu, les reproches de faiblesse et d'indifférence.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mercredi 11 mai 1870 :
..Le 8 mai a lieu un plébiscite devant approuver la nouvelle constitution (Le résultat national sera de 7 358 000 OUI (soit 69%), 1 572 000 non et 1 894 000 abstentions) .
..- Voici les autres résultats qui nous sont parvenus des autres communes de l'arrondissement de Nancy :
... /...
..Frouard : 346 électeurs inscrits, 285 votants, 236 oui, 43 non, 6 nuls.
..Autreville : 112 électeurs inscrits, 104 votants, 236 oui.
..Pompey : 186 électeurs inscrits, 148 votants, 127 oui, 11 non, 10 nuls.
..Malleloy : 86 électeurs inscrits, 75 votants, 72 oui, 3 non.
..Marbache : 302 électeurs inscrits, 278 votants, 264 oui, 9 non, 5 nuls.
..Belleville : 157 électeurs inscrits, 133 votants, 122 oui, 7 non, 4 nuls.
... /...
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mardi 17 mai 1870 :
..- Nous recevons une lettre de M. le maire de Pompey. M. le maire se défend d'avoir collé lui-même sur les murailles le dessin représentant la machine Beaury, saisie le 2 mai. Mais il dit que c'est par son ordre que l'affiche a été posée.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du jeudi 19 mai 1870 :
..- Le 8 mai dernier - précisément, nous imprimions ce qui suit :
..On nous dit qu'à Pompey c'est le maire lui-même qui a collé sur les murs un papier contenant des détails sur les bombes meutrières et le dessin de ces bombes, le tout emprunté au Figaro, ce qui est assez flateur pour les administrants et les administrés. Il est évident que le maire de Pompey voudrait bien effacer, par un coup d'éclat, les élections dernières où le candidat officiel obtint, jour ou non, 23 voix, pendant que le candidat libéral en avait 93. Dans tous les cas, un maire qui se fait colleur n'a pas à craindre qu'on lui adresse, en haut lieu, les reproches de faiblesse et d'indifférence.
..Le 12, M. le maire nous adressait une lettre aussi vive que spirituelle. MM. les maires, nous venons de l'écrire plus haut, n'aiment point qu'on les contrarie. Malgré la vivacité et l'esprit de la lettre, nous avions pensé qu'elle n'ajouterait rien à la réputation littéraire de l'auteur, et nous nous étions bornés à constater le fait principal. M. le maire insiste ; il tient, c'est lui qui parle ainsi, il tient essentiellement à ce que sa lettre paraisse. La voici :
..Monsieur le rédacteur, votre journal annonçait, dans un de ses derniers numéros, que le maire de Pompey avait collé lui-même sur les murs un papier contenant des détails sur les bombes meurtrières et le dessin de ces bombes, le tout emprunté au Figaro. Ce renseignement a été puisé à la source pure d'où viennent tant d'autres nouvelles aussi véridiques que celle-là.
..Je n'ai pas, comme vous, monsieur le rédacteur, l'avantage d'être colleur, car je ne fais ni des colles ni des écoles, chose qui vous arrive si souvent, et vous vaut, de temps à autre, des leçons du genre de celle que vient de vous infliger la cour impériale de Nancy.
..Je reconnais toutefois que c'est par mon ordre que l'on a placardé le papier en question. Les détails qu'il renferme ont été copiés dans le journal le Peuple français et non le Figaro. Seriez-vous, par hasard, parent de ces derniers, et descendriez-vous aussi du célèbre Barbier de Séville ?
..Je vous l'avouerai toutefois ; s'il le fallait, je me ferais volontiers colleur si toute page, imprimés ou manuscrits, tendant à confondre les fauteurs de désordre, les propagateurs de faux bruits, tous ceux qui, animés de mauvaises passions, cherchent à les répandre chez les autres.
..Quant au dernier coup de boutoir que vous croyez me porter en passant, rassurez-vous : éclairés par vos excellentes doctrines, les électeurs de Pompey voteraient, le cas échéant, avec des bulletins contenant un autre nom que celui que la majorité d'entre eux avait déposé dans l'urne aux dernières élections.
..Veuillez, monsieur le rédacteur, insérer cette réponse dans votre prochain numéro et recevez l'assurance de ma considération.
...........................................................................Le maire de Pompey,
..................................................................................CASSER.
..M. le maire de Pompey, qui n'a pas écrit cette lettre lui-même, est bien dure au pauvre monde. Ne dirait-on pas que nous l'avons accusé d'avoir assassiné son voisin ou empoisonné un parent. Et M. le maire dit un peu plus loin qu'il se ferait volontier colleur ! D'ailleurs, nous renonçons à répondre. Avec un peu de sang froid, ou si M. le maire avait tenu la plume il aurait vu qu'en dénonçant l'affichage, nous voulions dénoncer l'empressement du gouvernement à envoyer ces tristes papiers, bien plus que le zèle du colleur à obéir aux ordres transmis. Quant à cette rengaine des « fauteurs de désordre » et des « mauvaises passions,» faut-il donc rappeler une fois de plus à M. le maire de Pompey - qui n'a pas écrit cette lettre lui-même, et à quiconque que nous soutenions contre les fauteurs de désordre, contre les mauvaises passions une guerre assez rude, assez délicate à une époque où tous ceux qui prêchent si facilement l'ordre à l'heure qu'il est jugeaient prudent de se tenir à l'écart. C'est pitoyable, en vérité.
..Non, nous ne descendons point du Barbier de Séville. Nous sommes indignes d'une telle parenté. Nous n'avons pas la plus petite de ses - qualités, et dans un temps comme celui-ci c'est dommage ; mais nous voudrions bien être son père.
..Quant à la cour, on voit que M. le maire de Pompey - qui n'a pas écrit la lettre lui-même, n'oublie rien ; quant à la cour, qui doit être bien étonnée de figurer au milieu de cet affichage, M. le maire de Pompey nous met là sur un terrain brûlant. Il y a eu « une leçon », cela est certain. Mais qui l'a reçue ? Le journal que nous avons l'honneur de rédiger ? - Euh ! Euh !...
..En terminant, M. le maire de Pompey, qui n'a pas écrit la lettre lui-même, veut-il bien nous permettre à notre tour une question ? - Est-ce que cette lettre maligne, d'une vivacité si grande et d'une esprit si neuf, ne lui serait pas venue du même endroit que les affiches ? C'est qu'il y a dans ce petit morceau un parfum administratif qui prend à la gorge.
..En ce qui touche l'élection à venir, nous prions M. le maire de Pompey - qui n'a pas écrit la lettre lui-même, de lire ce que nous avons dit tout à l'heure en répondant à la France. Ça lui revient de droit.
..P. S. - Mais attendez ; voici que la situation se complique. Un habitant de Pompey, et un homme fort honorable, qui a lu la rectification d'hier et ne s'en tient pas du tout pour satisfait, nous envoie ces quelques lignes que le facteur nous remet à 4 heures :
..Le maire de Pompey dénie son action directe sur l'affichage des bombes, le samedi 7 mai : pour que son démenti soit honnête, il faut que son secrétaire s'en avoue l'auteur, tandis que l'ombre de M. le maire le protégeait, et que le magistrat municipal collait, lui, tout à côté, le Moniteur du lendemain, à double feuille, ce jour-là, et paré pour la solennité du lendemain.
..Ce n'est pas non plus M. le maire qui a écarté les rares non qui étaient comme perdus à côté des oui déposés à foison à l'entrée de la salle du vote. Les non ont disparu deux fois, au grand soleil, en grand silence, au milieu de l'office religieux, à dix pas, de M. le maire, président, lorsque nul, nul, excepté un membre du bureau, ne s'avisait d'hésiter devant la cassette à double dépôt !
..Fait-il accuser la sincérité des votes des électeurs de Pompey ? Nullement. Il y a eu unanimité. 126 oui ont entendu élever une digue contre la révolution d'en bas ; onze non se sont efforcés d'enrayer la révolution d'en haut. L'avenir dira quels étaient les plus avisés.
..Et nous prétendons que c'est très bien dit et très bien pensé.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du samedi 21 mai 1870 :
(NDLR : les travaux de creusement des canaux de dérivation de la Moselle étant certainement terminé, nombres de matériels ne sont plus utiles et sont vendus...)
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mardi 24 mai 1870 :
..M. le maire de Pompey nous écrit de rechef. C'est trop. Nous l'engageons à n'y plus revenir. Ce n'est pas que la chose ne nous soit, à nous, parfaitement indifférente. Mais nos lecteurs verront, s'ils veulent parcourir cette Deuxième au Journal, que nous n'avons pas le droit de leur faire partager notre philosophie. M. le maire cesse d'être agréable et ne devient pas instructif. Puis il est long. Voici sa lettre :
........................................................................................................................Pompey, le 20 mai 70.
........................................................................Monsieur le rédacteur,
..Puisque, selon vous, quand la chose eût été aussi vraie qu'elle est fausse, ce qui n'était point un crime d'avoir affiché les papiers en question, je m'étonne que vous ayez accueilli si facilement dans les colonnes de votre journal les réflexions de votre correspondant qui dit et pense si bien. Je suis non moins étonné que votre homme fort honorable se permette de douter de l'honnêteté de mon démenti. J'ai dit, je crois et assez clairement que j'avais donné des ordres pour l'affichage, mais que j'étais demeuré étranger à son exécution. Voilà la vérité. Le malhonnête homme dans tout ceci, ce n'est donc pas moi, mais peut-être bien celui qui a osé donner des suppositions faites à la légère pour l'exacte vérité. Je ne sais si je me trompe ; dans ma simplicité j'ai toujours cru que l'honnête homme n'affirme que ce dont il est parfaitement certain. Qu'en pensez-vous ?
..Si les rares non perdus à côtés des non déposés à foison à l'entrée de la salle du vote ont été écartés, j'en suis désolé pour ces messieurs si avisés qui se sont imposé la noble tâche d'enrayer la révolution d'en haut ; toutefois je m'en console en pensant que je n'avais pas mission pour les garder. A chacun sa besogne, n'est-ce pas ? D'autre part si le fait a eu lieu, c'est à mon insu, et je regretterais vivement qu'un membre du bureau en fût l'auteur ; mais serait-il plus blâmable, par hasard, que ce jeune électeur de l'école des avisés qui s'est permis de mêler quantité de non aux oui pour surprendre la bonne foi des électeurs ? Je vous en fait juge.
..De plus on a tort de tant s'apitoyer sur la position faite aux électeurs de Pompey par suite des rares non. S'ils avaient disparu de l'entrée de la salle, on les avait répandus à profusion avec un zèle d'apôtre dans les rues et dans les familles ; et il n'a manqué à ces pauvres électeurs, qu'on semble tant plaindre que la bonne volonté pour en remplir l'urne du scrutin. C'est très commode de mettre tous les torts du côté de l'administration,mais ce n'est pas toujours juste.
..Le plus clair de tout ceci, c'est que l'opposition vient de faire chez nous triste campagne. C'est dur aussi bien ! Jugez-en ! Aus dernières élections elle avait jour ou non, obtenu, non sans peine, il faut lui rendre cette justice, 93 voix contre 27. A la bonne heure ! Il y avait de quoi être fier ! Mais aujourd'hui qu'elle était assurée d'avance de 10 voix, en avoir gagné une après tant de paroles, de mouvements et de démarches etc., etc., ce n'est pas amusant, il faut en convenir et être indulgent. Courage, Messieurs, courant ! Vous êtes en progrès !
..Quant à vos réflexions, monsieur le Rédacteur, vous permettrez de ne pas m'en occuper et de me borner à proclamer hautement votre admirable et infaillible flair qui sait si bien trouver dans ma première lettre le parfum de l'administration.
..Daignez agréer, Monsieur le Rédacteur, avec la prière d'insérer ces quelques mots dans votre plus prochain numéro, l'assurance de ma considération très distinguées.
.................................................................................................................Le maire de Pompey,
...........................................................................................................................Casser.
..M. le maire de Pompey est-il content ? Et son secrétaire ? - Et encore ne voulons-nous pas renvoyer sans un bon conseil un homme - des hommes avec qui nous avons eu l'honneur de converser. Nous n'insisterons pas sur la différence qui existe entre un vote en fait d'élection, quand le nom de tel ou tel homme très honorable et très connu est en jeu, et un vote en fait de plébiscite quand il s'agit de M. Non que connaissent fort peu les administrés de M. le maire, et qui peut porter toutes les iniquités imaginées par un cerveau fécond. Ce n'est pas la même chose. D'ailleurs M. le maire le verra bien. Nous voulions faire une autre observation.
..Dans le seul intérêt de M. le maire, nous voulions lui faire remarquer que son secrétaire met son nom au bas d'une énormité quand il écrit : « Si les rares non perdus à côté des oui déposés à foison à l'entrée de la salle du vote ont été écartés, j'en suis désolé... Je n'avais pas mission pour les garder.» Ah ! bah ! vous n'aviez pas cette mission ! Qui donc l'avait, selan vous ? moi, peut-être !
..Que M. le maire daigne nous croire. Nous avons assez de flair pour voir qu'on le fait patauger dans un mauvais chemin - et qu'en outre on lui fait signer beaucoup de fautes d'orthographe. A. Lemachois.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du vendredi 3 juin 1870 :
..- On écrit de Custines :
..« Dans le but de prémunir les nombreux étrangers ou voituriers forains qui depuis longtemps font usage du gué de Custines, contre les dangers qu'il fera courir désormais, je vous prie de vouloir bien insérer dans votre journal que :
..« Le 7 mai dernier, le fils âgé de 18 ans de M. Lamy (Antoine), cultivateur à Custines, conduisait du fumier avec un attelage de huit chevaux, au delà de la Moselle, en traversant le gué de Custines, à la faveur des eaux basses ; il en revenait vingt-minutes après, lorsque tout à coup ses chevaux se trouvèrent dans le gué avec 1 mètre 25 d'eau, embarrassés dans les herbes nombreuses qui encombrent la rivière en cet endroit. Obligé de sauter à l'eau pour dégager ses chevaux de devant, il tomba dans un trou creusé par le courant en aval des touffes d'herbe et ne dut son salut et celui de son attelage qu'à la force tout exceptionnelle avec laquelle il lutta contre le courant.
..« La crue subite de la rivière était le résultat direct de la levée du barrage de Frouard. Le barrage de Millery fera lui-même refluer les eaux avec une puissance qui exposera les passagers à des périls non moins imminents, s'il ne détruit totalement ce seul moyen de communication avec la prairie , Frouard et Pompey.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mardi 7 juin 1870 :
..- Par un arrêté du 23 mai 1870, M. le président du département de la Meurthe a prescrit les mesures nécessaires pour réglementer, à titre provisoire, le passage des bateaux, trains et radeaux, dans la partie de la rivière de la Moselle, comprise entre Frouard et Pont-à-Mousson.
..Des exemplaires de cet arrêté sont déposés;
..1° Aux préfectures de Metz, Nancy et Epinal;
..2° Aux mairie des communes riveraines de la Meurthe et de la Moselle, en amont de Pont-à-Mousson;
..3° Aux abord des barrages et écluses de la partie de la Moselle comprise entre Frouard et Pont-à-Mousson.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mercredi 8 juin 1870 :
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du dimanche 19 juin 1870 :
..- La situation atmosphérique varie à peine. A Nancy, nous avons toujours la même sécheresse impitoyable. En vain, quelques nuages se forment et viennent nous donner de l'espoir. Ils ne donnent rien. Il a plu vers l'Ouest et le Nord-Ouest, on l'affirme. Ici, le ciel est de plomb. Nous donnons plus loin un résumé de la situation des cultures dans les Vosges
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du vendredi 24 juin 1870 :
..- A la jonction de la Moselle et de la Meurthe, près de Frouard, on remarque que la première de ces deux rivières maintient à peu près son volume d'eau, tandis que la Meurthe est extrêment basse. Il faut en conclure qu'il a plu dans la partie des Vosges arrosée par la Moselle.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du samedi 25 juin 1870 :
..- M. le ministre de la guerre prescrit à tous les chefs de corps de mettre le plus grand nombre de soldats possible à la disposition des agriculteurs, pour remédier par un abaissement du prix de la main-d'oeuvre aux pertes occasionnées par la sécheresse.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mercredi 6 juillet 1870 :
Chronique de l'Est.
..- Liste des nouveaux souscripteurs à la statue de Callot :
..La Compagnie des cristalleries de Baccarat, 50 fr. ; MM. Michaut, administrateur, 25 fr. ; E. Godard, 40 fr. ; ... /... ; Dieudonné, père, à Pompey, 5 fr. ; Georges Dieudonné, id., 1 fr. ; Henri Dieudonné, id., 50 cent. ; Martel, id., 5 fr. Pailleur, id., 4 fr. ; Ygnace, id., 1fr. ; Thirion, id., 1 fr. ; Maguin, id., 5 fr. ; un anonyme, id., 2 fr. ; Camus, id., 1 fr. ; Auguste Brichel, id., 1 fr. ; Salmon, conseiller à la Cour impériale, 5 fr. ; ... /...
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du dimanche 10 juillet 1870 :
..- Vendredi soir, nous avons cru qu'un orage allait fondre sur Nancy et nous donner tout ce que le monde demande : de l'eau. Il n'en a rien été. Nous avons vu luire quelques éclairs, tomber quelques gouttes d'eau. Puis le ciel a repris sa stérilité.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mardi 12 juillet 1870 :
Chronique de l'Est.
..Il y a quatre jours, nous avons publié une nouvelle liste de souscription pour la statue que l'on va élever à Callot. A ce propos on nous permettra quelques lignes de réflexion.
..Cette entreprise patriotique, due à des Lorrains qui croient l'honneur de la Lorraine compromis par l'absence d'une statue de Callot, du grand artiste et du grand patriote, a traversé ses épreuves les plus difficiles. Le comité chargé des intérêts des souscripteurs a pu faire appel aux artistes, provoquer un concours, réunir un très grand nombre de projets, en choisir trois et satisfaire les sculpteurs.
..Mais, avant d'aller plus loin, le comité a besoin de savoir quel est l'emplacement que la Ville veut désigner pour recevoir cette statue. En effet, de l'emplacement, de son aspect, de son étendue, des bâtiment qui l'entourent dépendra le choix de l'un des trois modèles - d'abord. On pourra décider, d'après l'emplacement, s'il faut un Callot debout. Enfin, de l'l'emplacement dépendont encore les dimensions que l'on devra donner à la statue.
..Or, nous le disons à notre grand regret, il a été, jusqu'ici, impossible au comité d'obtenir une décision. D'où peut venir ce retard ? Quelle appréhension peut avoir la Ville ? En quoi se compromet-elle ? pourquoi ne prend-elle pas le part le plus sage, le plus honorable, le plus digne de Nancy en laissant au comité le soin de choisir entre les diverses places encore libres ? Quel inconvénient pourrait-on voir à cela ? il y a de libres et possibles : la place Mangin, la place dite autrefois des Chameaux, la petite place Carrière, la place des Dames, la place Lafayette.
..La dernière nous semble devoir, à tous égards, mériter la préférence. Elle est dans la Ville-Vieille, dans le Nancy de Callot, à l'extrémité de la rue Callot, à deux pas de la maison qu'il habita, au confluent de six rues. Il est évident que placée sur le point le plus élevé, là ou est maintenant la fontaine, qu'elle pourrait fort bien laisser subsister, il est évident que la statue de Callot produirait le plus heureux effet.
..Dans tous les cas, qu'on veuille bien prendre une décision. Le conseil municipal ne pense pas assez aux retards que depuis un an bientôt il impose à l'entreprise. L'affaire, nous le répétons, est arrivée à ce point où il faut, de toute nécessité, et avant de passer outre, indiquer un emplacement à la statue.
(La statue de Callot)
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mercredi 13 juillet 1870 :
Chronique de l'Est.
..HYGIÈNE. - Par le temps de chaleur torride que nous subissons, l'homme ne saurait prendre le moindre mouvement, faire le plus léger exercice, sans provoquer une énorme transpiration, cause d'affaiblissement, surtout d'altération. Il est bon de prémunir les personnes qui agissent et surtout les ouvriers qui travaillent, contre les tentations de la soif. Se saturer de boissons quelles qu'elles soient, est toujours dangereux pour les forces, et toujours nuisible à la santé.
..Tout le monde sait que les boissons trop fraîches, causent des accidents souvent mortels.
..Lors des guerres de l'Inde, nos armées ont perdu plus de monde par l'abus de l'eau raffraichie dans les hydrocérames que par le feu de l'ennemi.
..Il est de notoriété que dans une athmosphère de plus de 30° plus on boit, plus on veut boire. J'ai vu bien des ouvriers de forges, boire devant leur four, en été, des torrents d'eau, en vain on y ajoutait de l'eau-de-vie, du vinaigre, u du café, les force diminuaient en raison des quantités absorbées.
..Il est donc indispensable de se raidir contre la tentation et boire le moins possible, pour la conservation des forces.
..J'ai eu occasion, dans de longs vyages à pieds, d'en faire moi-même l'expérience, quand sous le soleil le plus brûlant de juillet, de mes compagnons s'arrêtaient à chaque fontaine, pour se gorger d'eau, je tenais ferme contre la tentation. J'arrivais au gîte avec toute mes forces, capable de ma lancer, séance tenante, à la reconnaissance du pays, lorsque nos buveurs d'eau n'aspiraient qu'à étendre leurs membres fatigués, prenant à peine le temps de l'indispensable souper.
..Je conviens cependant que l'abstention absolue est impossible aux hommes occupés à des travaux de feu, ou à des exercices violents, là, il faut boire, mais quelle que soit la boisson, fut-elle même brevetée par toutes les académies, le trop est autant nuisible, que la modération salutaire.
..Bon nombre d'ouvriers de forges, qui ont été sous mes ordres, se trouvaient à merveille d'emporter avec eux, pour le temps de leur rude tournée, une demi bouteille de café froid, de force ordinaire. Une simple gorgée retenue dans la banche pendant quelques instants avant de l'avaler éteignait entièrement la soif. Ils rentraient chez eux avec toutes leurs forces et un franc appétit, tandis que d'autres, gorgés d'eau, ou, (trop souvent hélas !) de bière, de vin ou d'eau-de-vie, rentraient au logis, exténués et mécontents.
..En vain, dira-t-on, que la modération est impossible et que l'ouvrier qui embouche une bouteille, ne peut s'arrêter qu'à la dernière goutte. Tout est affaire d'habitude, et une privation, accompagnée d'une ferme volonté, de trois ou quatre jours de suite, suffit à l'habitude, et la privation disparait.
........................................................................................A. LANG, d'Essey.
..- L'éclipse totale de lune visible aujourd'hui soir présentera ceci de curieux que l'immension du disque lunaire dans la pénombre aura lieu et pourra être observée au-dessus de notre horizon pendant que, de l'autre côté, le disque apparent du soleil, bien loin d'avoir quitté l'horizon, s'y trouvera à une certaine hauteur et parfaitement visible pendant plusieurs minutes.
..Si, pour l'observation, on choisit un endroit assez élevé, on assistera donc au phénomène, assez rare, d'une éclipse lunaire dont les débuts se produiront en la présence du soleil et de la lune. Inutile d'ajouter qu'il n'y a dans ce phénomène rien de paradoxal, attendu que le disque solaire aperçu aux derniers instants du coucher n'est qu'un simple effet d'illusion provenant de la réfraction, et qu'en réalité, dans ces moments, le vrai disque du soleil a cessé d'être au-dessus de l'horizon depuis quelques minutes.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du samedi 16 juillet 1870 :
Nancy
..Hier soir, aussitôt que la nouvelle de la déclaration officielle de la guerre à la Prusse fut connue par la dépêche qu'avait reçue le Journal de la Meurthe et des Vosges, les places et rues se remplirent, des chants se firent entendre. Toute la soirée, jusqu'à onze heures et plus, des jeunes gens parcourent la ville en chantant la Marseillaise et le Chant du départ.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du dimanche 17 juillet 1870 :
..On dit qu'une partie des troupes du camp de Châlons a passé hier à Frouard se dirigeant sur Metz. Elles seront remplacées au camp, toujours d'après les on-dit, par cent bataillons de la mobile.
..Nous pouvons affirmer que les bataillons de la mobile, en Lorraine au moins, sont animés d'une ardeur et d'un entrain sans pareils. On nous cite un bataillon dans lequel, sur trente officiers, pas un n'a fait valoir des motifs d'absences, et quelques-uns cependant en avaient de légitimes.
..Hier une partie du 60e a encore quitté Nancy. Il a été accompagné jusqu'à la gare par trois mille personnes au moins. M. le préfet et M. le maire de Nancy se sont également fait un devoir de lui donner ce témoignage de sympathie.
..On avait fait courrir le bruit que les Prussiens étaient à Sierk. Deux heures plus tard on affirmait que déjà une rencontre avait eu lieu entre les français et les Prussiens. Nous croyons pouvoir affirmer que pas un soldat prussien n'a mis le pied en France.
..En revanche, la houille prussienne fait maintenant comme les soldats prussiens. Elle n'entre plus en France. Déjà on s'en aperçoit. Hier un grand industriel de la Meurthe est venu à Nancy et a enlevé - quelque fût le prix, toute la houille qu'il a pu trouver.
..Hier soir encore, des jeunes gens se sont promenés dans la ville, en nombre considérable. Ils chantaient la Marseillaise.
..Des voitures de transport ont stationné devant le Palais du gouvernement.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mardi 19 juillet 1870 :
..- Hier, de deux à cinq heures et demie, beaucoup de personnes à Nancy, ont disent-elles, entendu le bruit du canon. Nous répétons ce fait pour ce qu'il vaut. Il est certain que tonnerre ou canon, quelque chose se faisait entendre dans la direction du Nord Ouest.
..- D'après des propos dont on faisait remonter l'origine à des fonctionnaires bien renseignés, l'Empereur arriverait à Nancy demain. D'un autre côté une feuille de Paris affirme qu'il sera à Metz mercredi matin.
..On sait que M. le général de Failly est parti avant hier.
..- Les personnes qui auraient du linge propre à faire des bandes et des compresses, ou du vieux linge pouvant être transformé en charpie, sont instamment priées de vouloir bien le faire remettre au dépôt de mendicité, où l'on réunit toutes sortes d'objets.
..On comprendra facilement que dans les circonstances où nous nous trouvons, il importe beaucoup de centraliser les secours, en un mot, tout ce qui serait susceptible d'être perdu ou gaspillé, et qui peut être utilisé pour nos blessés.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mercredi 20 juillet 1870 :
..- M. le préfet de la Meurthe vient de faire afficher l'avis suivant :
..Les engagés volontaire ayant une instruction militaire suffisante seront immédiatement dirigés sur les portions actives. Les hommes ayant déjà servi seront réintégrés dans leurs armes respectives et il leur sera tenu compte des grades qu'ils ont pu occuper dans l'armée.
..- M. le maire de Nancy vient de faire publier l'avis suivant :
..Aux termes de la loi du 17 juillet 1870, les engagements militaires seront reçus en temps de guerre, pour la durée de la guerre. Les engagements seront soumis aux conditions générales déterminées par la loi organique sur le recrutement de l'armée.
..Aussitôt après la paix, les engagés volontaires admis ainsi qu'il est dit ci-dessus, seront libérés à moins qu'ils ne demandent à rester sous les drapeaux en se liant au servive, conformément à la loi modifiée du 21 mars 1832.
..En conséquence, les engagements pour la durée de la guerre seront reçus à la mairie (bureau militaire rue des Dominicains), dans les conditions ordinaires de la loi, et notamment sur la production des pièces ci-après indiquées.
..1° Certificat délivré par l'autorité compétente et constatant que le postulant n'est atteint d'aucune infirmité, qu'il a la taille et les qualités requises ;
..2° Acte de naissance ;
..3° Certificat de bonnes vie et moeurs délivré par le maire, conformément à l'article 20 de la loi du 21 mars 1852.
..- Un fait étrange se présente, à l'occasion des nouvelles concessions de minerais faites aux environs de Nancy.
..La plus grande quantité des produits de la concession de Laxou est expédiée en Prusse.
..La totalité des produits de la concession de Villèrs-les-Nancy est destinée à la Bavière rhénane. Le concessionnaire est un maître de forges des environs de Deux-Ponts.
..Ainsi, la France fournit à ses voisins d'outre-Rhin du fer qu'ils lui renverront un de ces jours en projectiles de guerre.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du jeudi 21 juillet 1870 :
..- Préfecture de la Meurthe. - Avis important. - L'administration de la guerre a besoin de voitures pour le service des transports aux différents corps d'armée. Tout les cultivateurs sont invités à faire connaître dans les mairies les moyens qu'ils peuvent offrir. MM. les maires sont priés de transmettre immédiatement les adhésions à la préfecture de la Meurthe.
..Les fournisseurs recevront par cheval attelé et par jour un loyer de 10 fr., à partir du jour du départ de Nancy.
.............................................................................Nancy, le 20 juillet 1870,
...........................................................................................Le Préfet de la Meurthe,
.....................................................................................................PODEVIN.
..- Préfecture de la Meurthe. - Avis. - Les achats de chevaux de toutes armes, de 4 à 10 ans, ont lieu chaque jour, au dépôt de remonte de Sampigny, à partir de cinq heures du matin. MM. les maires sont priés de vouloir bien donner immédiatement avis de ces dispositions à leur administrés.
..- La gendarmerie vient d'arrêter à Frouard un espion prussien venant de Wiesbaden. M. le procureur impérial de Nancy a donné l'ordre de l'écrouer à la maison d'arrêt.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du vendredi 22 juillet 1870 :
..- Le ministre de la guerre vient d'adresser aux généraux commandant les divisions militaires la circulaire suivante :
..........................................................................« Paris, le 14 juillet 1870.
........................« Général,
..« J'ai décidé que les militaires de toutes armes et de tous grades, y compris les officiers qui se trouvent actuellement en permission ou en congés, à un titre quelconque, rentreraient immédiatement à leur poste, par les voies les plus rapides,
..« Ceux qui ne pourraient rejoindre en raison de leur état de santé devront entrer immédiatement à l'hôpital, où seront, sans retard, visités et contre-visités.
..« Je vous invite à donner sans délai des ordres pour l'exécution de cette décision, et à m'en rendre compte.
..« Recevez, général, l'assurance de ma considération la plus distinguée.
.................................................................« Le maréchal de France, ministre
......................................................................« secrétaire d'Etat de la guerre,
.................................................................................« LE BOEUF. »
..- Nous avons dit que cent bataillons de la garde mobile seraient réunis au camp de Châlons.
..D'après nos derniers renseignements, ces troupes, faisant partie des 1er, 2e et 3e corps d'armée, aujourd'hui entièrement constitués, seraient réparties de la manière suivante :
..Une partie sera cantonnée au camp de Châlons.
..Une partie occupera les places fortes de l'Est de la France.
..Le reste sera massé dans les forts avoisinant Paris.
..- Dans notre numéro d'hier, nous rendions compte de l'arrestation, à Frouard, d'un espion prussien ; nous apprenons aujourd'hui que la personne arrêtée est tout bonnement un loyal Français, fils d'un banquier d'Orléans. Ce monsieur venait de Wiesbaden. Le train qui le transportait à Paris s'étant arrêté à Frouard, mu par un sentiment de curiosité facile à comprendre, notre voyageur demanda à des militaires le point sur lequel étaient dirigés leurs régiments ; la gendarmerie, dont on ne peut blâmer le zèle en cette circonstance, prit le questionneur pour un espion et l'arrêta. Après avoir fait constater son identité, M. X..., mis en liberté, s'est empressé de reprendre la voie ferrée pour se rendre dans la ville illustrée par notre Jeanne d'Arc.
..- Les boulangers de Nancy ont été convoqués mardi soir, à l'Hôtel de Ville, afin de renseigner l'administration sur la quantité de pain que chacun d'eux pourrait, le cas échéant, fournir à la troupe.
..La boulangerie coopérative s'est engagée notamment à fournir 1,000 k. de pain par jour, à raison de 40 cent. le kil.
..L'intendance s'occupe, de son côté, dit-on, à préparer deux mille lits pour les blessés.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du samedi 23 juillet 1870 :
..- La garde impériale continue à arriver à Nancy ; depuis jeudi soir le chemin de fer nous a amené les trois régiments de grenadiers, trois régiments de voltigeurs, le régiment de zouaves et le bataillon de chasseurs de la garde, les dragons de l'Impératrice, l'artillerie, les lanciers et les chasseurs de la garde.
..On ne connait pas encore d'une manière positive, le jour de l'arrivée de l'empereur. On avait dit d'abord samedi, puis dimanche.
..On dit cependant qu'il arrive aujourd'hui à cinq heures.
..- Tous ces jours derniers, des convois chargés de troupes passaient d'heure en heure à la gare de Pont-à-Mousson. La réception la plus cordiale, la plus sympathique attendait nos soldats. Les habitants de la ville leur apportaient à l'envi des rafraîchissements, des cigares, et des provisions de toutes sortes. La commune de Montauville avait, de son côté, envoyé plusieurs tonneaux de vin destiné à être servi à nos braves, qui se montrèrent vivement touchés d'une hospitalité aussi prévenante.
..- Une rixe qui n'a heureusement pas eu d'importance a eu lieu entre plusieurs ouvriers des hauts-fourneaux de Liverdun, dont un certain nombre sont Prussiens. La gendarmerie de Toul fut avertie et vint procéder à l'arrestation de l'instigateur de ces troubles.
..L'honorable capitaine commandant la gendarmerie de l'arrondissement s'était hâté de se rendre à Liverdun. La voiture qui le transporta versa ; mais il n'eut que des blessures légères. Un gendarme qui l'accompagnait eut l'épaule démise.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du dimanche 24 juillet 1870 :
..- Mairie de Nancy. - Le maire de Nancy a l'honneur d'informer ses concitoyens que le nombre de logements destinés en temps ordinaire aux troupes de passage n'est pas suffisant pour répondre à toutes les exigences du service pendant la durée de la guerre.
..En conséquence, les militaires recevront, s'il en est besoin, des billets de logement à domicile, et ils devront être logés chez les habitants auxquels ces billets seront adressés.
..- On nous communique la note suivante :
..« La garde impériale est arrivée à Nancy depuis trois jours et elle fera probablement un séjour de quelque durée. La population de cette ville se trouve ainsi presque doublée sans que des mesures aient été prises en vue d'assurer le service de l'alimentation publique, ce qui devient, du reste, difficile, les chemins de fer étant fermés au commerce.
..« MM. les maires des communes rurales rendraient donc un service important à la ville de Nancy, en invitant leurs administrés, boulangers, bouchers, épiciers, et marchands de légumes à amener toutes les denrées alimentaires qu'ils possèdent, dans cette localité où ils trouveront certainement à les vendre à des prix suffisamment rémunérateurs. »
..A cette note, on nous permettra de joindre le résumé de lettres que nous recevons et qui s'occupent du même sujet. Ces lettres, en termes plus que vifs, et que nous ne pouvons reproduire, dénoncent des marchands qui profitent du passage des troupes et vendent aux hommes du vin, des légumes, des fruits quatre fois plus cher que cela ne vaut. Nous ne pouvons ici que répéter ce que l'on nous dit ; mais de tels faits seraient le plus abominable des abus et ne sauraient être trop sévèrement punis.
..- Une trentaine de Prussiens, qui travaillaient dans les mines de Frouard, Pompey et Marbache, ont quitté ces jours derniers leurs chantiers pour éviter une collision presque inévitable avec les ouvriers français.
..FORGES. - Saint-Dizier, 22 juillet 1870 :
..Nous sommes en guerre. La situation dans laquelle va se trouver la métallurgie serait difficilement appréciée si l'on voulait indiquer et commenter les conséquences probables.
..Quant à présent, rien n'est venu troubler l'état du marché d'une manière sérieuse. On a reçu encore quelques commandes, autant qu'on peut produire. La production va du reste éprouver un nouveau ralentissement par suite de l'appel des soldats en congé et de la levée de la mobile.
..Quelques craintes s'élèvent au sujet de l'approvisionnement du combustible. Assurément il y aura de la gêne, mais elle ne sera que partielle, si, comme on le suppose, la guerre n'est que de courte durée. Beaucoup de laminoirs ont un stock de charbon pour deux et trois mois.
..Des représentants de charbonnage de Saint-Etienne et de la Loire ont adressé des offres à 15 fr. sur wagon à la fosse.
..Moselle et Meurthe. - De pénibles nouvelles nous parviennent de nos départements de l'Est. Les usiniers de Longwy et de Luxembourg se sont réunis et ont décidé l'extinction de leurs hauts-fourneaux. A Stiring, les forges sont en chômage, trois autres hauts-fourneaux viennent d'être éteints, on parle d'en mettre 4 encore hors feu cette semaine, on craint même qu'à Ars où un fourneau est déjà arrêté, le travail dans les laminoirs soit aussi suspendu. Il y a un désarroi complet.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mardi 26 juillet 1870 :
..- Préfecture de la Meurthe. - Avis. - Les achats de chevaux de toutes armes de 4 à 10 ans, ont lieu chaque jour au dépôt de remonte de Sampigny à 5 heures du matin.
..MM. les maires sont priés de vouloir bien donner immédiatement avis de ces dispositions à leurs administrés.
..- Toutes les personnes de la campagne qui pourraient recevoir des blessés sont instamment priées de le faire connaître à M. le préfet de la Meurthe. Il est bien entendu, d'ailleurs, qu'elles seraient indemnisées des frais ainsi occasionnés.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du vendredi 29 juillet 1870 :
Dernière Nouvelles.
..- L'Empereur est arrivé à Frouard à 5 h. 35. Les francs-tireurs de Frouard étaient rangés sur le quai, ainsi que toute la population. M. le préfet de la Meurthe s'est approché du wagon impérial et s'est entretenu un instant avec l'Empereur, qui était entouré de ses officiers d'ordonnance. L'Empereur avait l'uniforme de général de division, le prince impérial l'uniforme de sous-lieutenant avec la médaille militaire. Le train est reparti après trois minutes d'arrêt. L'empereur est arrivé à Metz à 7 heures.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du dimanche 7 août 1870 :
..- Il est arrivé mercredi soir, à Metz, un convoi de blessé, parmi lesquels se trouvaient quelques sodats prussiens. Nos hommes, dit-on, sont, en général, blessés aux jambes. En 1866, les mêmes effets produits par le fusil prussien avaient été observés dans l'armée autrichienne. Ce résultat observé dans l'armée autrichienne, s'explique ence sens qu'à partir de 4 ou 500 mètres le tir du fusil prussien devient très plongeant.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mardi 9 août 1870 :
..- Un convoi de blessés venant de la ligne de Strasbourg est arrivé en gare de Nancy à 1 h. du matin, ils ont été provisoirement installés à l'ambulance de la gare. Dans le nombre nous avons surtout remarqué des zouaves et des turcos.
..- Cette nuit sont arrivés à Nancy plusieurs convois de blessés ; on les a installés à l'Ecole supérieure et dans divers autres établissements que nous devons à la sollicitude et au dévouement de notre si bonne et si patriotique population.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mercredi 10 août 1870 :
..- On nous dit que l'on peut estimer à 350 environs le nombre de blessés arrivés à Nancy. Ils rencontrent, en arrivant à la gare, les soins les plus attentifs et les plus touchants. C'est à qui apportera son concours de prévenances et d'attentions. Les dames offrent des raffraîchissements, du bouillon, les hommes aident à porter les malades.
..D'un autre côté, on évalue à 300, à peu près, le nombre de soldats non blessés qui ont rallié Nancy après avoir été séparés de leurs corps.
..- Cinq prisonniers prussiens ont été amenés hier, vers quatre heures, à la gendarmerie.
..- On vient de rallumer dans les usines d'Ars-sur-Moselle quatorze fours à puddler et quatre à réchauffer ; environ trois cents ouvriers ont repris leur travail habituel.
..Les maîtres de forges commencent à recevoir des houilles, venant de la Belgique et d'autres points de la France, par le canal de Frouard à Metz, qui vient d'être livré à la circulation.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du jeudi 11 août 1870 :
Nancy
..- On nous prie d'insérer la note suivante :
..« Les provisions de toute espèce commençant à s'épuiser à l'ambulance de la gare, le comité nancéien de l'Association internationale de secours aux blessés, fait un appel à la générosité des habitants.
..« Le comité espère que cet appel sera entendu et que les personnes désireuses de contribuer au soulagement de nos soldats blessés, voudront bien envoyer dans les plus bref délai leurs offrandes de toute nature.
..« Les dons seront reçus directement à l'ambulance de la gare. »
..- La confusion est telle que tous les services sont désorganisés. Aussi nos lecteurs ne seront pas surpris si le journal leur vient à manquer. Nous le confions à la poste, et la poste en fait ce qu'elle peut.
..- Avis du ministère de la guerre. - Des mesures sont prises pour communiquer au public les listes des militaires, tués, blessés ou disparus, au fur et à mesure qu'elles parviendront.
..Jusqu'à présent, on n'en a reçu aucune.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du samedi 13 août 1870 :
..- Vendredi, à quatre heures du soir, les premiers cavaliers prussiens sont entrés à Nancy. C'étaient quatre hussards. Le commandant des forces qu'ils précédaient a désiré s'entretenir avec M. le maire de Nancy, qui s'est rendu au faubourg Saint-Georges.
..Le conseil municipal avait été immédiatement convoqué.
..A cinq heures, vingt-quatre autres cavaliers ont paru sur la place Stanislas qu'ils ont traversée pour se rendre à la gare.
..A cinq heures et demie, un officier, suivi par un trompette et d'une ordonnance, a traversé la place au galop, est entré dans la Pépinière et s'est arrêté devant le télégraphe pour en prendre possession. Les fils étaient coupés, et la correspondance était brûlée.
..Enfin, à six heures, on a su que l'officier supérieur prussien ayant acquis la conviction que Nancy n'avait ni soldats, ni armes et ne pouvait faire de résistance, a formellement annocé qu'aucun dmmage ne serait causé à la ville ou habitants.
..La contribution de guerre exigée a été de 50,000 fr., payables avant huit heures, de 350 quintaux d'avoine, de rations pour le souper et le déjeuner des hommes, rations largement stipulées.
..Les Prussiens avaient fait enlever environ 500 mètres de rails en deçà et en delà de la gare.
..- On nous dit qu'à Frouard, et dans un moment de confusion, quelques coups de fusil ont été échangés entre quelques ulhans prussiens et un régiment de ligne allant de Châlons à Metz, suivant les uns, et des francs-tireurs qui se trouvaient à la gare, suivant les autres.
..Nous manquons de détails précis.
..En même temps, on comprendra trop facilement qu'elle émotion ne nous a pas permis de nous entourer de tous les renseignements nécessaires.
..Les Prussiens ne sont pas entrés dans la ville. Ils ont campé dans la prairie de Tomblaine.
..Le courrier de Paris n'est pas arrivé à Nancy. Le train qui le portait n'a pas dépassé Toul.
..Le courrier de Metz est arrivé à 1 heure.
..Aujourd'hui, nous sommes sans nouvelles d'aucune sorte.
..La ville est calme. L'attitude de la population est digne, et telle que nous la devions attendre de nos concitoyens, en face de ces cruels événements.
..- Les prussiens ont quitté Nancy ce matin à 4 heures.
..- On affirme ce matin, qu'à huit heures, on a entendu le canon dans la direction du Nord.
..- Hier, à midi, un régiment de ligne passait à Frouard, se dirigeant vers Metz. Il était admirable de tenue.
..Précisement une heure après, on répandait le bruit dans le faubourg des Trois-maisons, que les Prussiens étaient à Champigneules, se dirigeant vers Nancy. D'après d'autres passants, c'était à Bouxières que se trouvait l'ennemi.
..Enfin, une demi-heure plus tard, des personnes venant de Champigneules affirmaient qu'on entendait très distinctement le canon.
..- On a fait hier des distributions de pain à la manutantion. Veut-on nous permettre de dire qu'elles étaient faites sans beaucoup d'ordre. Des rixes avaient lieu. La foule, non contenue, non guidée, se précipitait avec une sorte de rage vers les fenêtres. Les plus faibles, les femmes âgées et infirmes étaient foulées aux pieds comme litière. Le sang coulait. Nous appelons sur ces malentendus toute l'attention de l'administration.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du dimanche 14 août 1870 :
..- Un journal de Nancy dit, à propos de la triste journée de vendredi :
..On raconte que, dans la courte conférence qu'il a eu avec le maire de Nancy, le représentant de l'armée allemande aurait d'abord demandé si ses compatriotes seraient reçus en amis ou en ennemis. il lui a été répondu : en amis. Alors il a annoncé, pour le cours de la soirée, l'arrivée d'un corps de deux mille cavaliers. Sur cet avis il est allé prendre possession de la gare du chemin de fer.
..C'est une erreur, et nous regrettons qu'en de pareils instants, alors que la situation de la mairie est déjà si difficile, si délicate - et surtout si pénible, on parle aussi à la légère.
..Le maire de Nancy n'a pas songé à dire que les Prussiens seraient reçus << en amis >>. Il a dit à l'officier supérieur qui l'interrogeait, que les Prussiens seraient reçus par une ville absolument sans défense, une ville sans un soldat et sans arme.
..En revanche, le journal dont nous parlons est dans le vrai quand il dit que l'officier prussien, en exigeant 50,000 fr., ajoutait que faute de verser immédiatement cette somme, la ville serait occupée militairement et taxée, en sus de ces 50,000 fr., à 20,000 fr. par jour de retard.
..Voilà le fait. Et nous sommes, vis-à-vis de l'administration municipale, dans une position telle que nous avons, plus qu'un autre, l'obligation de rester dans les termes de la plus plus scrupuleuse équité. M. le maire de Nancy a fait, en cette circonstance, tout ce qui était faisable. Nous ajoutons ce détail:
..Un des honorables conseillers municipaux accompagnait M. Welche. A l'énoncé de ces exigences, il se récria. << Véritablement, dit-il à l'officier prussien, vous nous accablez. Où voulez-vous que nous trouvions ainsi 50,000 fr. ? - Bon ! répondit l'officier, lorsqu'on a une ville comme le vôtre, 50,000 fr. sont un morceau de pain. >>
..Le conseil municipal a été samedi encore en permanence. Il s'est occupé entr'autres questions, si nous sommes bien informés, d'une question fort grave, de la création d'une monnaie <<obsidionale>>, d'un papier monnaie dont la ville garantirait la valeur. Il s'agirait d'en créer jusqu'à concurrence de 60 mille francs, afin de remplacer la monnaie, les écus qui font absolument défaut.
..A Nancy même, la situation est très délicate, et nous faisons appel au patriotisme intelligent de nos Lorrains.
..Tous ou presque tous les ateliers sont fermés. Des milliers d'ouvriers sont sans ouvrage. Le conseil municipal est à peu près en permanence et déploie la plus louable activité, le plus grand dévouement pour faire face aux difficultés du moment.
..On distribue du pain, on en distribue beaucoup. Mais il est un danger que la sagesse seule des citoyens peut conjurer, c'est précisément l'oisiveté forcée des ouvriers, l'oisiveté mauvaise conseillère, l'oisiveté qui décourage et aigrit, qui crée des discoureurs mieux pourvus de violence et d'imagination que de logique, et qui se font trop facilement écouter.
..Restons calmes, maintenons l'ordre contre ceux qui seraient tentés de le troubler. Nous voyons tous avec quelle promptitude s'est organisée la garde nationale dans les diverses sections. Ce n'est plus notre garde nationale d'il y a vingt ans. On l'a désarmée en 1852 avec une zèle qui faisait peu d'honneur aux idées des auteurs de la mesure, et qui blessait profondément la population. Mais, désarmés, les citoyens sont encore assez forts pour vouloir et obtenir la paix intérieure, la paix locale.
..Disons-nous que le désordre aggraverait dans d'incalculables proportions les malheurs de la patrie, et le désordre sera conjuré.
..- Nous sommes toujours sans lettres et sans renseignements d'aucune sorte, réduits à des on-dit innombrables.
..- Des cavaliers prussiens ont paru à Nancy hier. Ils ont demandé quinze rations pour eux, et quelques quintaux d'avoine.
..On nous affirme que pendant toute la nuit des forces prussiennes qu'on ne saurait évaluer à moins de vingt mille hommes ont passé sur les plateaux qui nous séparent de la Seille, et marchant vers la Moselle.
..On nous affirme également que pendant la nuit des troupes françaises extrêmement nombreuses ont passé à Frouard, allant vers Metz.
..- Les Prussiens qui ont passé avant-hier à Nancy avaient demandé, outre les 50,000 fr. de la ville, 300,000 fr. au trésor impérial. Il a fallu leur montrer que les caisses de la Banque avaient été emportées et que, partant, toutes les caisses étaient absolument vides.
..- Son Exc. le ministre de la guerre a décidé que les engagements pour la durée de la guerre ou pour un an pourront être souscrits désormais par tout homme, célibataire ou mariè, reconnu apte au service, qui produira un certificat de moralité, délivré soit par le commissaire de police du lieu de sa résidence, soit par le maire de sa commune.
..L'aptitude au service des engagés sera constatée par les maires des chefs-lieux de canton qui recevront les engagements.
..- Le maire de la ville de Nancy et la commission municipale invitent de nouveau leurs concitoyens à contenir les sentiments que l'invasion du pays ne peut manquer de leur inspirer, et à éviter avec le plus grand soin des actes d'hostilité qui attireraient sur la ville des représailles dont les conséquences sont incalculables.
..- Jeudi, à Moncel-sur-Seille, trois hulans prussiens, embusqués derrière des arbres, ont arrêté la voiture de M. P., de Nancy, qui ramenait sa famille dans notre ville. Après avoir fait descendre tout le monde, les Prussiens se sont hissés sur la voiture pour couper le fil télégraphique. Cette oeuvre de destruction accomplie, ils sont repartis au grand trot.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du lundi 15 août 1870 :
Nancy
..Hier, dimanche, à 10 heures, des cavaliers prussiens ont paru sur la place Stanislas précédant le prince Charles qu'ont bientôt suivi quatre régiments de cavalerie et un bataillon d'infanterie.
..Les régiments étaient des cuirassiers, des lanciers, des hussard.
..Les soldats d'infanterie étaient montés sur des charriots de cultivateurs.
..Ces troupes ont stationné assez longtemps sur la place, puis elles ont été logées dans les diverses casernes et chez les habitants.
..La ville a été occupée militairement.
..Nous devons à la vérité de dire qu'à notre connaissance ces trois ou quatre mille hommes n'ont motivé jusqu'ici aucune plainte. La ville est restée calme, malgré la foule qui n'a cessé d'encombrer les places et les rues.
..Les officiers supérieurs étaient logés dans les principaux hôtels de Nancy. Ces messieurs en avaient exprimé le désir tout d'abord.
..Vers deux heures, l'avis suivant a été placardé :
..Le général commandant la division de cavalerie prussienne vient de faire afficher aux murs de la ville de Nancy, la proclamation suivante :
..L'armée royale de Prusse (nommément la division de cavalerie) ayant franchi le territoire Français, moi, commandant la susdite division, je fais savoir, en vertu du paragraphe 18, tome second, du code militaire prussien, que tous les habitants de cet arrondissement qui croiraient se rendre coupable d'un délit envers les troupes de Sa Majesté le roi de Prusse et de ses alliés, seront jugés par un tribunal militaire.
..Subirons la peine de mort :
..1° Ceux qui servirait d'espion, qui recevront, cacheront ou assisteront des espions français.
..2° Ceux qui de leur propre gré serviront de guide à l'ennemi, ou qui voudons induire en erreur les troupes allemandes en les conduisant par de fausses routes.
..3° Ceux que par vengeance ou autres raisons, tueront, blesseront ou dépouilleront les troupes de Sa Majesté le Roi ou de ses alliés, ainsi que les personnes de leur suite.
..4° Ceux qui détruiront des ponts, des canaux, des voies ferrées ou les télégraphes, qui rendront les chemins impraticables, qui mettront le feu aux maisons habitées par les troupes allemandes, aux vivres et aux provisions.
..5° Ceux qui prendront les armes contre les troupes de Sa Majesté le Roi de Prusse ou de ses alliés.
..J'ordonne, dans l'intérêt des habitants de ce pays, que la présente proclamation, qui s'applique également à toutes les communes de l'arrondissement, soit propagée et publiée par les municipalités sans délai.
.........................................................................Le commandant de la division
................................................................................de cavalerie allemande.
..- Un peu plus tard, on a fait afficher cet avis :
..Avis. - Le corps municipal prévient les habitants que la valeur de la monnaie prussienne est fixée ainsi par le major général de l'armée.
..Un thaler vaut 4 francs. Il est nécessaire de faire observer que la monnaie prussienne se compose de monnaie métal et de monnaie papier. Ces deux monnaies ont la même valeur.
..Il y avait eu une légère erreur. La valeur légale du thaler est de 3 fr. 68 c. D'après le traité du 24 janvier 1867, la valeur légale du « thaler d'association »a été fixée a 3 fr. 68.
..- Nous avons dit précédemment que les officiers prussiens avaient demandé une somme de 300,000 fr. prise sur le trésor public, et que les caisses de la banque avaient été enlevées deux jours avant par l'administration. Des recherches ont été faites néanmoins. On a trouvé, nous, dit-on, un peu plus de 5,000 fr. dans la caisse du receveur-général, 150 fr. environ à la direction des postes. Ces sommes ont été prises, bien entendu.
..- Hier, le commandant des forces prussiennes avait fait occuper la poste aux lettres, puis l'a fait fermer. On nous dit que deux sacs de dépêches ont été saisis, mais nous ne saurions l'affirmer.
..- Nous croyons devoir donner ici, d'après l'Annuaire du Bureau des Longitudes (1870) la valeur légale des monnaies prussiennes :
OR.. |
Double frédéric ................. | 41f |
20c |
| Frédéric ........................... | 20 |
60 |
|
| 1/2 Frédéric ...................... | 10 |
30 |
|
| Couronne .......................... | 34 |
39 |
|
| 1/2 Couronne .................... | 17 |
19 |
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ARGENT.. |
Thaler .............................. | 3 |
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| Double thaler d'association.. | 7 |
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| Simple thaler .........id........ | 3 |
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..- Nous sommes toujours sans nouvelles de Paris, sans nouvelles de Strasbourg, et l'on nous dit que les communications entre Frouard et Metz sont interceptées. Nous sommes donc réduits à tout ce que les conjectures ont de plus pénible, de plus triste. - Mais il n'importe ; nous gardons bon courage et ferme espoir.
..- Une partie des troupes arrivées hier nous a quitté ce matin, prenant, dit-on, la route de Toul.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du mardi 16 août 1870 :
..Comme hier, comme avant-hier, nous sommes absolument réduits à toutes les conjectures, livrés à tous les on-dit que peut enfanter l'incertitude et l'angoisse.
..On nous affirmait hier que Toul était entouré. On nous affirmait bien d'autres choses encore.
..C'est, en vérité, la situation la plus pénible, la plus affreuse. Qu'elle se prolonge quelques jours encore, et , nous ne saurons plus quel nom lui donner. Ne pas connaître ce qui se passe à Paris dans un moment aussi solennel, aussi terrible ! Ne pas savoir ce qui se passe à Strasbourg, à Metz, à Epinal! Ne pas savoir, bien mieux, ce qui se passe à deux lieues d'ici !
..Et nous ne parlons pas même du spectacle qu'offre nancy, qu'offrent nos places, nos rues, nos maisons. Notre génération ne savait pas il y a quinze jours, ce que c'était que la guerre. Elle le sait à présent. - Mais ne nous laissons pas aller à des sentiments indignes de nous. Gardons bon courage et ferme espérance.
..- Hier, 15 août, la municipalité (NDLR: de Nancy) a fait afficher les deux avis suivants :
..Les habitants qui possèdent des chevaux de selle et autres sont tenus de les amener sur la place Stanislas pour deux heures.
..Les officiers Prussiens et ceux qui ont le porte-épée pourront exiger pour leur dîner quatre plats, et pour leur souper deux plats avec diverses boissons et les cigares à discrétion.
..- La division de cavalerie prussienne a quitté Nancy ce matin avec une énorme quantité de provisions, elle se dirige, dit-on, vers Pont-Saint-Vincent.
..- Nous, Guillaume, roi de Prusse, avons arrêté et arrêtons ce qui suit :
..1° La conscription est abolie dans toute l'étendue du territoire français occupé par les troupes allemandes ;
..Art. 2. Les agents des autorités civiles qui contreviendraient à la disposition contenue dans l'article précédent, soit en opérant ou en facilitant le tirage des conscrits, soit en les engageant à s'y soumettre ou en leur délivrant des ordres de départ ou par tout autre moyen quel qu'il soit seront destitués de leurs fonctions et détenus en Allemagne jusqu'à ce qu'il soit statué ultérieurement sur leur mise en liberté.
..Art. 7. Les généraux des différents corps des armées allemandes sont chargés de veiller à l'exécution du présent décret, qui acquierra force de loi pour chaque département occupé par les troupes allemandes aussitôt qu'il en sera affiché dans une des localités qui en font partie.
............................................................................Donné au quartier général de Saint-Avold
.................................................................................le 13 août 1870.
....................................................................................GUILLAUME.
..- Nous Guillaume roi de Prusse,
..Faisons savoir aux habitants des territoires français occupées par les armées allemandes.
..L'empereur Napoléon ayant attaqué par terre et par mer la nation allemande qui désirait et désire encore vivre en paix avec le peuple français. J'ai pris le commandement des armées allemandes pour repousser l'agression et j'ai été amené par les évènements militaires à passer les frontières de la France.
..J'ai fait la guerre aux soldats et non aux citoyens français. Ceux-ci continueront pas conséquent à jouir d'une entière sécurité pour leurs personnes et leurs biens, aussi longtemps qu'ils ne me priveront pas eux-mêmes par des entreprises hostiles contre les troupes allemandes du droit de m'accorder leur protection.
..Les généraux commandants les divers corps détermineront, par des dispositions spéciales qui seront portées à la connaissance du public, les mesures à prendre envers les communes ou les personnes qui se mettraient en contradiction avec les usages de la guerre .
..Ils règleront de la même manière tout ce qui se rapporte aux réquisitions qui seront jugées nécessaires pour les besoins des troupes, et ils fixeront la différence du cours entre les valeurs allemande et française, afin de faciliter les transactions individuelles entre les troupes et les habitants.
........................................................................................GUILLAUME.
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du jeudi 18 août 1870 :
..- Différentes versions ont déjà couru sur ce qui s'est passé vendredi à Frouard. En voici une :
..Vers midi, - un employé supérieur de la ligne se promenait sur le quai, en attendant des trains militaires, lorsqu'on vint l'avertir que les Prussiens étaient sur le pont. Au même instant, cinq uhlans, commandés par un officier, se précipitent dans la gare ventre à terre, coupant les fils du télégraphe et s'efforçant d'arracher des rails.
..Un soldat français, un traînard, était sur la porte du buffet. A la vue de l'uniforme, deux Prussiens se précipitents sur lui, le sabre et le pistolet à la main. Le soldat, n'ayant point d'arme fait signe qu'il se rend. - Mais, à travers la porte vitrée, l'ennemi aperçoit quatre ou cinq autres traînards, également désarmés, et commence alors sur gare et sur le buffet une fusillade désordonnée.
..Les employés se cachent de leur mieux, et on dit que le maître du buffet, pour sauver sa vie, a dû traverser le canal.
..Dans un cabaret voisin se trouvaient deux turcos et un zouave avec des chassepots. Au bruit de la fusillade, ils accourent ; les turcos, surtout, étaient comme des enragés. En un clin d'oeil, deux cavaliers ennemis et deux chevaux sont tués, l'officier commandant le détachemment est blessé, ainsi que deux chevaux, qui se sont échappés vers Champigneules.
..Sur ces entrefaites, un train de soldats allant sur Metz approchait de la gare. Officiers et soldats n'attendirent pas que le train fut arrêté. On se précipite avec impétuosité par les portières, et toutes les armes partent, pour ainsi dire, à la fois. Mais l'ennemi courait déjà dans la prairie et traversait la rivière.
..Dans cette affaire, deux jeune gens qui courraient à travers champs pour échapper à la bagarre ont été, l'un tué raide, l'autre grièvement blessé au genou. Celui-ci a été amené à Nancy, dans l'après-midi.
..- La proclamation suivante, imprimée à Nancy, en deux langues, a été emportée par l'état-major bavarois :
..« L'occupation du territoire français par les armées alliées ayant eu lieu, je proclame, par suite des ordres de S.A. R. le prince royal Frédéric-Guillaume de Prusse, commandant en chef de la troisième armée, l'état de guerre et de siége, pour tous les habitants, et ordonne ce qui suit :
..« Tous les habitants du pays ennemi que la susdite armée occupe sont assujetis à la loi martiale.
..« sera fusillé dans l'espace de vingt-quatre heures :
..« 1° Qui sert d'espion à l'ennemi ou qui aide un espion ;
..« 2° Qui excite un soldat ou tout autre individu de l'armée : livre à l'ennemi une place ou un individu quelconque de cette armée ; livre à l'ennemi ou détruit caisses, magasins ou provisions en armes, vivres et munitions de toutes espèces ; donne des notices à l'ennemi sur la marche des opérations ; lui livre des plans de forteresses, de camps, ou autres positions militaires ; sert volontairement de guide à l'ennemi dans toute action ou entreprise militaire contre l'armée ; donne une fausse direction, compromet la vie ou la santé des troupes ; prend les armes contre les troupes et leurs employés, et dans une révolte ;
..« 5° Les employés de l'armée et employés civils ennemis qui protégent par une action quelconque l'ennemi, ou qui causent un danger ou un désavantage aux troupes.
.................................................« Le général en chef du 2e corps d'armée bavarois,
........................................................................DE HARTMANN,
...............................................................« général de l'infanterie. »
Le Journal
de la Meurthe et des Vosges du vendredi 19 août 1870 :
..Le roi Guillaume et sa suite, y compris M. de Bismark, sont installés depuis hier chez M. Grandeau, à Pont-à-Mousson.
..- Tout l'état-major du prince Charles de Prusse est arrivé à Nancy.
..Le duc de Cobourg et sa suite ont été logés à la préfecture ; le prince de Hohenzollern est descendu à l'évêché ; le prince Guillaume de Wurtemberg chez le maire ; le prince de Weimar, chez M. de Dumast ; le prince de Mecklembourg, chez M. de Frégeville ; le prince de Wurtembourg, chez M. le marquis de Marnézia ; le duc de Puttpus, chez M. le colonel de Gonneville.
..- On s'attendait, pour hier, à une nouvelle bataille qui serait livrée entre Toul et Metz.
..Nos chefs-lieu d'arrondissement et de cantons n'ont pas moins souffert que Nancy : Lunéville, Pont-à-Mousson, Saint-Nicolas sont éux abois, privés et dépouillés de tous vivres et fourrages. A pont-a-Mousson, le maire a été destitué et remplacé par un capitaine prussien.
NDLR : à partir de cette date, il n'y a plus de Journal de la Meurthe et des Vosges jusqu'au samedi 4 février 1871.