Autour du tramway

Nancy - Pompey

en

1935

 

 

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LA COMPAGNIE DES TRAMWAYS CONTRE « LA RUCHE » DE POMPEY
..Le tribunal de commerce, présidé par M. Delacour, vient de rendre son jugement dans le procès intenté par la Compagnie des tramways à la société « La Ruche » de Pompey.
..La Compagnie des tramways avait engagé une instance en demandant qu'il soit interdit à «La Ruche» d'exploiter un service de transports sur le parcours Nancy-Pompey. Elle demandait en outre une somme de 1 million 538.000 fr de dommages-intérêts pour le préjudice causé.
..La Compagnie des tramways fit plaider par M. le bâtonnier Gutton et par Me de Toste, de Paris, que «La Ruche» étant une société coopérative de consommation, avec un statut légal, des buts statutaires et des associés bien définis, n'avait pas le droit d'exercer une entreprise de transports et, encore moins, de transporter des personnes autres que ses sociétaires, qu'au surplus elle avait prolongé certains parcours au delà des points autorisés et que ses chauffeurs ne respectaient pas toujours les arrêts fixés.
..La Compagnie des tramways voyait dans ces faits des actes de concurrence illicite dont elle était fondée à demander réparation.
..M. le bâtonnier Gutton exposa comment la Compagnie des tramways était devenue régulièrement concessionnaire des transports de voyageurs par voie ferrée d'intérêt local de Nancy à Pompey.
..L'article 4 de la convention du 15 mars 1925, intervenue entre la ville de Nancy et la Compagnie des tramways stipule que, pour le cas où le fond de réserves constitué spécialement viendrait à descendre au-dessous de 300.000 fr., il serait procédé au remaniement des services et des tarifs, étant précisé que le relèvement des tarifs porterait d'abord sur les sections urbaines. Ainsi, le réseau urbain est solidaire de la ligne Nancy-Pompey, puisqu'au cas de déficit de cette dernière, ce sont finalement les usagers de Nancy qui ont à en subir les conséquences.
..M. le bâtonnier Gutton indiqua que l'exploitation de la ligne Nancy-Pompey fut tout d'abord prospère et que de 1930 à 1934 la Compagnie effectua de nombreuses dépenses, se montant à 1.928.469 francs, tant pour l'amélioration des voies que pour le matériel et le service électrique et qu'elle avait en vue un programme de nouveaux travaux comportant encore pour près de 1 million et demi de dépenses indispensables.
..Mais en novembre 1931 « La Ruche » ayant obtenu les autorisations nécessaires, créa un service régulier d'autobus de Pompey à Nancy, entraînant une baisse considérable du nombre des voyageurs transportés, par tramways.
..Malgré de nombreuses démarches, la Compagnie n'a pu obtenir la suppression de cette concurrence.
..M. le bâtonnier Henry Jardel et Me Gazel répondirent pour « La Ruche » que la Compagnie des tramways ne jouissait d'aucun monopole ou exclusivité et que dès lors, en vertu du principe de la liberté du commerce, elle était absolument fondée à joindre à son activité statutaire un service de transports pour lequel elle paie des impôts spéciaux et a obtenu les autorisations administratives nécessaires.
..« La Ruche » fit également plaider qu'elle n'avait commis aucun acte de concurrence illicite et déloyale et qu'elle était fondée à conclure au débouté de l'action qui lui était intentée.
..Dans le jugement qu'il vient de rendre, le tribunal de commerce constate que la Compagnie des tramways ne peut invoquer aucun monopole ou exclusivité pour le transport des voyageurs entre Nancy et Pompey. Le jugement dit que tout commerçant peut adjoindre à son activité une nouvelle exploitation, notamment les transports de personnes, à condition qu'il obtienne les autorisations administratives, ce qui est le cas de « La Ruche ». Le jugement ajoute que le tribunal ne trouve dans les faits allégués aucun acte de concurrence illicite ou déloyale et il termine en disant : « Que si « La Ruche » fait une concurrence indiscutée à la Compagnie des tramways, sur sa ligne Nancy-Pompey, M. le préfet de Meurthe-et-Moselle a reconnu, dans sa lettre du 22 février 1933, qu'il ne trouvait aucune disposition dans la loi qui lui permette de l'interdire; que, d'autre part, dans son arrêté du 7 juillet 1933, le Conseil de préfecture a débouté la Compagnie des tramways dans une instance formée contre l'Etat et le département, tendant à l'allocation d'une indemnité correspondant au préjudice qu'elle subissait du fait de cette concurrence; attendu que les conséquences de cette concurrence sont fort regrettables puisqu'elles atteignent directement, et injustement les habitants de la ville de Nancy, par l'élévation des tarifs des tramways urbains; que le tribunal, cependant, doit protéger le jeu de libre concurrence et ne peut se substituer au législateur dans la réglementation de la lutte entre le rail et la route, dont la présente cause ne parait être qu'un épisode. »
..En conséquence le tribunal déboute la Compagnie des tramways de son instance contre « La Ruche » de Pompey.
[L'Est Républicain du mercredi 13 février 1935]

 

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....................Cour d'Appel de Nancy
..La Compagnie des Tramways contre «La Ruche de Pompey»

..Un nouvel épisode de la lutte judiciaire engagée par la Compagnie des Tramways contre «La Ruche de Pompey» a eu mardi après-midi son épilogue devant la cour d'appel de Nancy.
..La Compagnie des Tramways qui a obtenu du département la concession d'une ligne allant de Nancy à Pompey se plaint de la concurrence que lui fait le service de cars automobiles créé par «La Ruche».
..Aussi Tan dernier, la Compagnie des Tramways assigna-t-elle «La Ruche» devant le tribunal de commerce pour concurrence illicite.
..Déboutée de ses conclusions par jugement du 11 février dernier, elle fit appel de cette décision.
..Devant la cour, Me de La Taste, du barreau de Paris et M. le bâtonnier Pierre Gutton, assistée par Me Gaston Gabriel, avoué, se présentèrent à la barre, pour la Compagnie des Tramways.
..Dans leurs plaidoiries et leurs conclusions ils exposèrent que «La Ruche», société coopérative de consommation, exploite depuis novembre 1931, un service régulier de transports par cars automobiles entre Nancy et Pompey, service qui concurrence la ligne de tramways existant sur le même par cours.
..Or, la Compagnie des Tramways estime que «La Ruche» étant une société coopérative de consommation avec un statut légal et des buts statutaires bien définis, n'avait pas le droit d'exercer une entreprise de transports et encore moins de charger des personnes autres que ses sociétaires.
..M. le bâtonnier Gutton indiqua comment la Compagnie des Tramways était devenue régulièrement concessionnaire des transports de voyageurs par voie ferrée d'intérêt local de Nancy à Pompey.
..L'article 4 de la convention du 15 mars 1925, intervenue entre la ville de Nancy et la Compagnie stipule que, pour le cas où le fond de réserves constitué spécialement viendrait à descendre au-dessous de 300.000 fr., il serait procédé au remaniement des services et des tarifs, étant précisé que le relèvement des tarifs porterait d'abord suites sections urbaines. Ainsi, le réseau de Nancy-Ville est solidaire de la ligne Nancy-Pompey.
..M. le bâtonnier Gutton montra que par suite de cette convention, les usagers des réseaux de Nancy avaient dû supporter une augmentation de tarifs pour compenser les recettes enlevées à la Compagnie des Tramways par la concurrence de «La Ruche».
..Il termina en demandant à la cour de dire et juger qu'en créant une entreprise de transports en commun, «La Ruche »avait non seulement violé ses statuts sociaux mais aussi la loi du 24 juillet 1867 et les articles 1 et 2 de la loi du 7 mai 1917 sur les coopératives de consommation.
..M. le bâtonnier Henry Jardel et Me Gahier, du barreau de Paris, assistés par Me Goubeaux, avoué, défendirent les intérêts de «La Ruche». Ils plaidèrent qu'en améliorant les relations entre Nancy et Pompey, cette société n'avait fait que combler un voeu des usagers.
..Après avoir débuté avec deux cars seulement, elle arriva bientôt à transporter de 2.500 à 3.000 personnes chaque jour.
..Ainsi se trouva démontré l'utilité d'un service créé sous la pression de l'opinion publique, des groupements intéressés et même des municipalités.
..Certes «La Ruche» ne conteste pas que son service de transports concurrence la Compagnie des Tramways, mais elle estime qu'il appartenait à celle-ci de moderniser dès 1930 son exploitation et de ne plus se laisser distancer par l'initiative privée.
..Les avocats de «La Ruche» plaidèrent qu'en l'espèce, et une fois de plus, la concurrence avait prouvé son pouvoir salutaire.
..Ils terminèrent en faisant valoir que «La Ruche» s'était soumise à toutes les formalités réglementaires.
..L'arrêt rendu par la cour au début de son audience, mardi après-midi, constate que la Compagnie des Tramways a pour sa ligne Nancy-Pompey une concession et non un monopole.
..L'arrêt ajoute que la loi du 2 mars 1791 proclame la liberté du commerce ; que la loi de 1917 ne limite pas l'activité des coopératives et que la loi de 1867 laisse aux sociétés la liberté d'établir leur activité dans le cadre des lois existantes.
..L'arrêt dit encore qu'il est de pratique courante dans l'industrie moderne d'étendre son activité à des entreprises accessoires qui n'avaient pas été tout d'abord prévues dans les statuts.
..L'arrêt souligne que «La Ruche» se comporte comme le ferait un négociant ordinaire, qu'elle paie tous les impôts afférents à son service de transports qui ne bénéficie pas des avantages accordés par la loi de 1917 aux coopératives.
..Seuls des adhérents de «La Ruche» lors d'une assemblée de cette société, pourraient se plaindre qu'elle ait créé un service de cars automobiles, mais un tiers n'a pas qualité pour intervenir judiciairement, dit également l'arrêt.
..En conséquence, confirmant le jugement du tribunal de commerce, la cour déboute la Compagnie des Tramways de ses conclusions et la condamne aux dépens du procès.
[L'Est Républicain du mercredi 30 octobre 1935]

 

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